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comme pour la guerre, une position dictatoriale que le directoire se voyait contraint de respecter tout en la redoutant, et les agens de la république, dans le petit nombre des états italiens où elle en entretenait alors, n’étaient plus guère pour lui que de dociles instrumens empressés de saluer cet astre nouveau.

Pensant avec raison qu’il lui importait beaucoup, pour régler sa conduite, de connaître les intentions du général, M. Miot partit pour Milan vers la fin du mois de mai. Il espérait l’y rencontrer; mais ce fut seulement à Brescia qu’il put le joindre. Le prétexte et en partie même l’objet de ce voyage, c’était de lui présenter un envoyé napolitain, le prince Belmonte Pignatelli, qui, au nom de son gouvernement, épouvanté par les rapides succès de l’armée française, venait solliciter une suspension d’hostilités. Voici en quels termes M. Miot raconte sa première entrevue avec le futur maître de la France, et l’impression qu’il en éprouva. « Je fus étrangement surpris à son aspect. Rien n’était plus éloigné de l’idée que mon imagination s’en était formée. J’aperçus, au milieu d’un état-major nombreux, un homme d’une taille au-dessous de la taille ordinaire, d’une extrême maigreur. Ses cheveux poudrés, coupés d’une manière particulière et carrément au-dessus de ses oreilles, tombaient sur ses épaules. Il était vêtu d’un habit droit boutonné jusqu’en haut, orné d’une petite broderie en or très étroite, et portait à son chapeau une plume tricolore. Au premier abord, sa figure ne me parut pas belle; mais des traits prononcés, un œil vif et inquisiteur, un geste animé et brusque, décelaient une âme ardente, et un front large et soucieux un penseur profond. Il me fit asseoir près de lui, et nous parlâmes de l’Italie. Son parler était bref, et en ce temps très incorrect. »

M. Miot réussit sans peine à obtenir pour le gouvernement napolitain l’armistice qu’il sollicitait. Bonaparte, tout occupé alors à prendre Mantoue, la seule, mais très importante place forte que les Autrichiens conservassent encore dans la Lombardie, et à se mettre en mesure de repousser les nouvelles forces que le cabinet de Vienne dirigeait sur l’Italie pour essayer de réparer ses échecs, se prêta avec joie à un arrangement qui diminuait le nombre de ses ennemis. Ce point réglé, M. Miot voulut l’entretenir de la politique générale de la péninsule. Sur ce point, il eut à peine le temps d’échanger quelques mots avec lui; mais comme il paraissait croire qu’on aurait à tenir compte des intentions des commissaires du gouvernement auprès de l’armée, le général Bonaparte, trahissant déjà ce besoin d’action indépendante dont il était dévoré, s’écria avec impatience : « Les commissaires du directoire n’ont rien à voir dans ma politique. Je fais ce que je veux. Qu’ils se mêlent de l’administration des revenus publics, à la bonne heure, du moins pour le moment;