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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/626

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trances, avait eu la sottise de demander le rappel de M. Miot. Le directoire, qui ne le trouvait pas assez disposé à seconder ses projets révolutionnaires, s’empressa d’accéder au vœu de la cour piémontaise; mais le nouveau ministre qu’il accrédita auprès d’elle fit bientôt regretter celui dont on avait méconnu la bienveillance. Quelques mois étaient à peine écoulés que le souverain du Piémont était réduit à se réfugier dans l’île de Sardaigne.


III.

Rentrant en France après une absence de près de trois ans, au mois d’avril 1798, M. Miot trouva Paris entièrement transformé. La passion du gain, un goût effréné des jouissances, les recherches du luxe, les frivolités bizarres de la mode, avaient succédé à la grossière simplicité des mœurs républicaines. Cette corruption, cette dissolution presque universelle n’étaient d’ailleurs que l’un des traits de la décomposition morale et politique à laquelle la France était livrée depuis le 18 fructidor. Tout s’abîmait dans une hideuse anarchie, et cependant le jacobinisme, restauré en quelque sorte par cette déplorable journée, n’était pas encore assez complètement affaibli pour rendre possible une réaction dans le sens de l’ordre. Bonaparte le comprit. Mal à l’aise avec le directoire, qui le ménageait et le flattait, mais à qui il était suspect, et convaincu bientôt de l’impossibilité, au moins pour le moment, d’une expédition en Angleterre dont on avait voulu le charger, il accepta le commandement de l’armée destinée à conquérir l’Egypte. Dans l’intérêt de son avenir, il fallait absolument qu’il s’éloignât pour quelque temps, qu’il se mît ainsi à l’abri du mauvais vouloir du directoire et en dehors de toute responsabilité de ce qui se passait sur le honteux théâtre de la politique intérieure, et que cependant il ne restât pas dans une inaction qui l’eût bientôt fait oublier.

M. Miot lui-même était en disgrâce, sort commun en ce moment à presque tous les hommes de quelque probité et de quelque capacité. On ne se souvint de ses services que pour le nommer membre d’une commission du contentieux formée auprès du ministère de l’intérieur. Joseph Bonaparte, avec qui il s’était beaucoup lié depuis quelque temps, essaya de le faire entrer comme secrétaire-général au ministère de la guerre, alors occupé par son beau-frère, le général Bernadette. Ce dernier ne le trouva pas assez patriote. Quelque temps après cependant, on l’envoya en Hollande avec une mission diplomatique déguisée sous l’apparence d’une négociation financière; mais la révolution du 18 brumaire y mit bientôt fin.

On sait quel fut le caractère de cette révolution, par laquelle Bonaparte, revenu d’Egypte de la manière la plus inattendue, s’em-