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les termes, que les terroristes étaient les vrais, les seuls coupables. Il est juste de dire que le gouvernement n’usa qu’avec réserve de l’arme terrible qu’on venait de mettre dans ses mains. Suivant M. Miot, quelques-uns seulement des proscrits furent, non pas déportés, mais exilés. L’exemple d’une monstrueuse iniquité n’en avait pas moins été donné; on était entré dans la voie de la confusion, de l’usurpation des pouvoirs, et en attribuant au sénat, docile instrument des volontés du maître, le droit de suppléer à la loi toutes les fois qu’on jugerait à propos de la déclarer insuffisante, on avait en réalité anéanti la constitution et frappé de nullité le corps législatif aussi bien que le tribunal.

La république n’était dès lors plus qu’un mot : tout tendait à la monarchie, et la disposition générale des esprits favorisait singulièrement en cela les vues secrètes de Bonaparte. Bientôt son palais prit un aspect nouveau. L’accès en avait d’abord été ouvert à tous les grands fonctionnaires. Quelque temps après, ces libres communications furent interdites; un cérémonial d’étiquette s’introduisit, et si l’on en murmurait tout bas, le besoin d’approcher la source de toutes les faveurs faisait qu’on s’y soumettait d’assez bonne grâce. Dès que ces hommes qui épient les faiblesses des gouvernans pour en profiter s’aperçurent du goût du premier consul pour les jouissances de la vanité, ils ne manquèrent pas d’y applaudir. « Rien, lui disaient-ils, ne répond mieux aux habitudes des Français, qui ont toujours aimé l’appareil et la pompe autour du pouvoir. Si la révolution a fait violence à ces habitudes, elle ne les a point détruites, et elles renaîtront naturellement de toutes parts. » — « Bonaparte, dit encore M. Miot, n’eut donc aucune peine à nous faire subir ces nouveautés; nous allions au-devant de ses désirs, et dès qu’il voulut avoir une cour, les courtisans ne lui manquèrent pas... Pour mon compte, je m’aperçus, dès les premiers mois qui suivirent l’établissement des nouvelles institutions, du changement de scène. J’avais conservé avec le premier consul des relations assez intimes que le souvenir de notre ancienne liaison en Italie avait maintenues, mais elles durèrent peu. Je ne vis plus Bonaparte que de loin en loin, et cette sorte de familiarité qui avait existé entre nous disparut insensiblement... Ce n’étaient pas seulement les amis du premier consul qui le poussaient vers la royauté;... Les partisans de l’ancienne dynastie l’y encourageaient également, persuadés qu’une fois la monarchie rétablie en France, il n’y aurait plus que le monarque parvenu à en chasser, ou, si on ne pouvait le renverser, à attendre sa mort pour rendre aux anciens possesseurs le trône qu’il aurait relevé. Ainsi, de même que, dix ans auparavant, le mouvement imprimé à la société la portait incessamment vers la destruction de toutes nos anciennes institutions et qu’un besoin universel de changemens se