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ques mois, la guerre avait recommencé avec l’Angleterre, et bien que le motif apparent de cette rupture fût le refus du cabinet de Londres de restituer Malte conformément à une des clauses de la paix d’Amiens, tous les gens de bonne foi étaient forcés de reconnaître que le gouvernement français l’avait provoquée par ses empiétemens continuels sur l’indépendance des états étrangers, par l’incorporation à la France de plusieurs territoires qu’aucun traité ne lui avait cédés, et par l’occupation militaire de l’Italie, de la Hollande, de la Suisse, sans concert avec les autres puissances. Le premier consul faisait usage, pour justifier ces usurpations, d’un argument étrange. Aucun article du traité d’Amiens ne les lui interdisant formellement, l’Angleterre, suivant lui, n’avait pas le droit de lui en demander compte. Cet argument avait une portée qui le rendait plus effrayant encore que les actes mêmes qu’il tendait à justifier. Tôt ou tard il ne pouvait manquer d’armer l’Europe entière contre celui qui prétendait faire accepter un pareil droit des gens, ou, pour mieux dire, une négation aussi complète du droit des gens. L’affaiblissement où les guerres précédentes avaient laissé l’Autriche et les autres états du continent pouvait retarder le moment d’une lutte nouvelle; mais on sentait que la paix n’était qu’une trêve dont. L’Angleterre, par l’offre de ses subsides, s’efforçait d’abréger la durée. Napoléon d’ailleurs, loin de redouter une guerre continentale, la désirait ardemment : elle seule pouvait le tirer de la situation fausse où le plaçaient les hostilités engagées contre l’Angleterre, qui, sans lui fournir un champ de bataille où il pût lutter corps à corps avec elle, livraient nos colonies et le reste de notre marine à la dominatrice des mers. Il s’efforçait, il est vrai, de changer cette situation au moyen d’un débarquement sur le sol britannique pour lequel il faisait d’immenses préparatifs; mais, sans aller jusqu’à supposer, comme beaucoup de personnes le faisaient alors, qu’il n’y avait rien de sérieux dans ces démonstrations, on doit croire qu’il éprouvait quelque hésitation à se jeter dans une entreprise dont le succès était soumis à tant de hasards, et qui devait le perdre si elle ne réussissait pas. Il ne pouvait cependant y renoncer, après tant de pompeuses menaces, sans se déconsidérer et s’affaiblir, à moins d’avoir à offrir aux esprits l’éclatante diversion d’une guerre contre quelque grande puissance du continent. Il la désirait donc, je le répète. Ce qui est du moins certain, c’est qu’il ne faisait rien pour l’éviter, et par là il sapait de ses propres mains un des principaux fondemens de l’immense popularité qui s’était pendant quelque temps attachée à son gouvernement.

La conspiration de George, découverte sur ces entrefaites, eût pu la retremper momentanément, les conspirations qui échouent ayant pour effet ordinaire de fortifier moralement les pouvoirs con-