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que le ban a dirigés avec gloire, et qui sont en état d’armer au moins 50,000 soldats sans trop dégarnir leurs villages[1].

En se reportant au nombre des anciens régimens nationaux, il est facile de se faire une idée de la part qui revient dans l’armée à chacune des races de l’agglomération autrichienne. Ce nombre était de six, tirés de l’Autriche proprement dite, contre cinq moraves, huit bohémiens, trois illyriens, treize galiciens, quinze hongrois et huit italiens, en tout cinquante-huit. Ce chiffre a été porté à soixante-deux par le rétablissement récent de quatre régimens supprimés en 1807 et en 1809. Chacun de ces soixante-deux régimens se compose d’un bataillon de grenadiers à quatre compagnies, d’un bataillon de dépôt de la même force et de quatre bataillons à six compagnies[2]. Au complet de guerre, l’effectif total devrait être de 6,000 hommes. La proportion des officiers est à peu près d’un pour quarante soldats, elle est d’un pour trente dans l’armée française. Le nombre des sous-officiers est aussi un peu plus faible ; il y a en quelque sorte une compensation sous ce rapport par suite de l’existence d’une certaine quantité de premiers soldats remplissant une partie des fonctions de nos caporaux. Cette économie dans les cadres rend plus méritoire encore l’extrême rapidité avec laquelle l’armée autrichienne a toujours su réparer ses pertes par l’incorporation des jeunes soldats. L’armement de l’infanterie diffère peu de celui adopté chez nous. La création de bataillons légers armés de carabines rayées est une imitation de ce qui s’est fait en France et en Piémont. Comme les nôtres, ils ont la carabine à chambre et le sabre-baïonnette. Cette variété d’armement des soldats d’infanterie, dont les uns ont des fusils et les autres des carabines, est condamnée à disparaître. Il est probable que l’usage des armes de précision se répandra partout

  1. Cette ingratitude envers tous les personnages qui ont rendu de grands services est un trait caractéristique de la monarchie autrichienne ; on peut en remarquer des exemples depuis des siècles à l’égard de ses serviteurs les plus dévoués. Montecuculli n’a pas même un tombeau dans l’église de Lintz, où reposent ses restes; le prince Louis de Bade, illustré par de nombreux combats, mourut le cœur brisé par une défaveur imméritée; le prince Eugène, son successeur dans le commandement des armées, se vit d’abord bien traité, mais fut écarté ensuite de toutes les affaires par l’empereur Charles VI. Enfin la vie de l’archiduc Charles n’a été qu’une longue disgrâce, on lui préférait ses frères, inférieurs en talens; toute demande appuyée par lui était rejetée d’avance, et pourtant dans toutes les circonstances critiques on le retrouvait aussi dévoué, aussi modeste qu’il était grand par le cœur et par le génie. Le roi Sobieski, le sauveur de Vienne, n’y a pas une statue; rien n’y rappelle son souvenir, et ce n’est pas la dernière fois que l’Autriche a étonné le monde par la grandeur de son ingratitude.
  2. La combinaison de bataillons à quatre et à six compagnies doit amener des difficultés dans l’exécution des manœuvres; le fractionnement par six est regardé comme désavantageux. On sait que chez nous les bataillons comportent huit compagnies qui se groupent par deux.