Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I.

L’avènement de Pie IX en 1846 n’apparut point tout d’abord comme un fait important pour l’Italie. Quelles que fussent les espérances des catholiques libéraux, quelle que fût la disposition de tous les partis à profiter des innovations qu’entraînent toujours les débuts d’un nouveau règne, on avait été loin de prévoir que la mort de Grégoire XVI serait si tôt suivie d’une personnification de la papauté idéale imaginée par quelques rêveurs, invoquée comme une espérance unique par Charles-Albert et César Balbo. Même pendant les jours qui précédèrent la fameuse amnistie de 1847, on ne saluait encore dans le saint-père que le prestige d’un caractère noble et doux; personne ne s’attendait aux réformes pontificales et à l’explosion d’enthousiasme qu’elles devaient exciter, Charles-Albert et César Balbo, qui continuent à être après 1848 une fidèle expression du libéralisme catholique, furent surpris, on l’a vu, comme tout le monde par la grandeur et la véhémence du mouvement qu’ils avaient pourtant préparé. Ils se trouvaient tout à coup, l’un sans armée suffisamment prête, l’autre sans combinaisons méditées au point de vue pratique, en face d’une situation qu’ils avaient passé leur vie à appeler, mais qui leur causait une sorte de joie craintive, parce qu’elle se présentait tout entière et à l’improviste.

Néanmoins, à tout prendre, les jours qui suivirent les premières réformes papales furent des jours de satisfaction indicible pour le libéralisme catholique. Depuis l’élection de Pie IX, Charles-Albert, engagé dans une querelle de douane avec l’Autriche, n’était plus le même homme : il s’était redressé comme par une secousse électrique en sentant venir la guerre. Si en effet la liberté paraissait dépendre de Pie IX, l’indépendance, premier objet du désir national, était aux mains de Charles-Albert, et toutes les espérances se fondaient sur lui. Dans une lettre particulière, dont les termes circulèrent bientôt dans le public, Charles-Albert promettait de monter à cheval avec ses fils, si la guerre de l’indépendance devenait opportune. Après la violation du territoire pontifical par les Autrichiens à Ferrare, il s’offrait à combattre pour le pape et pour la patrie « jusqu’à extinction.» Il écrivait aux membres du congrès de Casai qu’il désirait faire avant peu en Italie ce que faisait Schamyl dans le Caucase. Il se contenait devant les manifestations populaires, et paraissait même les éviter; mais dans le palais il ressemblait, disait un témoin, à un homme qui a longtemps manqué d’air, et qui se trouve dans les champs en plein soleil.

Tandis que le roi de Piémont, rajeuni, retrouvait ses idées et son