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l’assentiment du gouverneur et d’implorer sa protection en faveur des exilés de la Selléide. Le retour de cet envoyé était impatiemment attendu. Par malheur, des vents contraires le retardèrent. Tsavellas était en proie à de vives angoisses, car il comprenait que son séjour prolongé au milieu de la population chrétienne et libre de Parga ne manquerait pas d’éveiller les soupçons des Turcs. Quatorze jours se passèrent; l’émissaire parguinote n’avait pu quitter encore le port de Corfou. Tsavellas se rendit alors à Margariti pour y attendre la réponse du gouverneur des îles. En entrant dans cette dernière ville, il apprit que son projet avait été découvert. Loin de se laisser abattre par ce coup imprévu, et convaincu de la nécessité de débarrasser Souli de toutes les bouches inutiles, il résolut de payer d’audace et de braver la colère de Vély, qui avait juré de lui trancher la tête. Tsavellas repartit donc pour Souli, se présenta hardiment au pacha, et soutint avec énergie qu’il n’avait jamais formé le dessein qu’on lui imputait. Vély le crut ou feignit de le croire, de peur de pousser les Souliotes à quelque acte terrible de désespoir, s’il exécutait la sentence de mort portée par lui contre leur ancien polémarque. Pendant la nuit, Photos passa furtivement à Kiapha, où il eut la douleur de trouver les choses dans un état qui ne laissait plus d’espoir. Un autre s’était fait l’instrument docile de la volonté d’Ali; Koutzonicas avait persuadé à deux cents Souliotes de quitter la place, et les avait conduits dans le canton de Zalongos. Bien plus, les klephtes, démoralisés, avaient traité de la reddition de Kiapha, qui devait être remis aux Turcs le lendemain. Photos n’avait plus rien à faire là. Il courut se renfermer dans Sainte-Vénérande. Six cents Souliotes incorruptibles et inébranlables y luttaient encore, décidés à verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang sur le sol de la patrie qu’ils n’espéraient plus sauver.

Ali-Pacha, certain d’en finir cette fois avec ses ennemis, arriva en toute hâte de Janina; il traversa Souli et Kiapha sans s’y arrêter, et marcha sur Kounghi à la tête de plusieurs milliers d’hommes. Il voulait se donner la jouissance de remporter en personne une victoire qui lui semblait assurée. En apprenant que Photos était dans Sainte-Vénérande, le vizir se répandit en imprécations contre la maladresse de son fils Vély; il différa l’attaque de quarante-huit heures, afin de s’entourer de forces plus considérables, tant le nom seul de Tsavellas lui inspirait d’effroi. Enfin le 7 décembre 1803 il avait dix mille hommes sous la main.

Pendant la nuit. Photos, qui n’avait rien perdu de son activité, quitta Kounghi avec quatre cents pallikares et deux cents femmes. Il construisit rapidement, à une certaine distance du fort, des pa-