Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/926

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des intrigues et des complots, docile instrument des ambitions, d’autres coups doivent succéder sans relâche. Tout ce qui l’affaiblit et l’égrène, pour employer une expression pittoresque et populaire, mérite nos encouragements. Dans ce nombre, nous comptons les constructions entourées de concessions qui créent aux familles des intérêts distincts et fixes, la liberté de circulation, de commerce, de transactions, sur le territoire des tribus, et surtout la libre émigration de toute famille arabe parmi les Européens. Dans les instructions très libérales sur ce dernier point qui ont été récemment adressées aux administrations de l’Algérie et qui accordent, soit des exemptions d’impôt, soit des privilèges de juridiction, s’est glissée, par inattention sans doute, une disposition des plus fâcheuses, qui doit être annulée. Tout Arabe qui s’éloigne de sa tribu perd son droit au partage éventuel du territoire, s’il n’y laisse des intérêts permanens, tente, troupeau, famille. Ainsi sont punies, par la confiscation du droit de propriété, les tentatives vers la vie civile des indigènes les plus dignes d’intérêt, ceux qui émigrent avec leur petite fortune pour conclure avec les Européens des contrats d’association : ils veulent bien en essayer, mais, incertains du résultat, n’ayant d’ailleurs aucun crime à se reprocher, ils n’entendent pas abdiquer à tout jamais leur qualité de membre co-propriétaire de la tribu, et se trouver sans feu ni lieu au premier changement de résidence, pas plus que le cultivateur français ne renonce à ses propriétés personnelles en devenant fermier ou locataire chez un voisin.

La solidarité des tribus, établie contre elles pour l’expiation pécuniaire de tout crime commis sur leur territoire, a été supprimée par une circulaire ministérielle qui paraît avoir soulevé en Algérie d’assez vives réclamations. Nous l’approuvons, non dans ses motifs, qui répudient tout autre principe que celui de la responsabilité individuelle (notre propre législation présente de nombreuses dérogations à ce principe, et le droit musulman encore plus), mais comme condition et conséquence de la liberté de circulation au sein des tribus. Collectivement responsables, les tribus exigent que nul étranger ne pénètre ou ne s’établisse chez elles, et gardent un isolement aussi favorable à tous les complots politiques que funeste à l’essor de la production et du commerce. La solidarité collective doit être au plus tôt remplacée par une police plus vigilante et plus nombreuse; en attendant, elle peut continuer de subsister comme exception.

De la tribu, notre action atteindra le peuple entier et ce qu’on appelle la nationalité arabe, expression inexacte, car l’idée de nation, fruit d’un état social fort avancé, n’existe pas au sein de ces populations d’origine hétérogène, habituées de tout temps à guer-