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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/928

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de l’islamisme : théologie, droit, poésie, littérature; les aspirans au doctorat mahométan s’en sont déliés, car ils ont continué de préférer les maîtres de Tunis et de Fez. Malgré ce premier échec, ce genre d’écoles, où peuvent pénétrer quelques rayons de l’esprit moderne, ne doit pas être légèrement abandonné. L’aristocratie des intelligences, à la différence de celle des intérêts, est l’alliée naturelle de notre politique.

Les subventions accordées pour le pèlerinage de La Mecque seront maintenues, bien qu’elles puissent raviver le fanatisme que nous voulons étouffer : c’est un devoir de loyauté, le gouvernement s’étant emparé de toutes les dotations fondées pour cet objet par la piété musulmane; c’est aussi le conseil de la politique, qui montre les pèlerins algériens déployant dans tout leur voyage un passeport français, se réclamant des autorités françaises, et donnant à notre nation le droit d’intervenir dans les affaires de l’Arabie à titre de puissance musulmane : excellente occasion de répandre en Orient l’éclat de son nom et l’autorité de sa parole.

La corporation de La Mecque et Médine n’est pas la seule dont les biens aient été engloutis dans le domaine public; toutes ont été expropriées; un contrôle bien organisé de l’emploi des revenus eût peut-être dispensé d’une dépossession qui a blessé au cœur la population indigène. Pour s’acquitter de ses nouveaux devoirs, l’état a distribué tous les ans des subsides en argent, qui se sont montés en 1857 à une centaine de mille francs, somme bien inférieure aux besoins, puisque, sur 1,985 familles participant aux aumônes, 694 ne recevaient que 2 francs par mois. Pour apporter des soulagemens plus sérieux à des maux d’une désolante gravité, un décret du 7 décembre 1857 a institué pour les musulmans un bureau spécial de bienfaisance, qui a lui-même fondé une salle d’asile, des bourses d’apprentissage pour les garçons, un ouvroir pour les jeunes filles, des fourneaux économiques, enfin une infirmerie. Toutes ces fondations n’ont pas réussi au même degré : les fourneaux économiques surtout n’ont pu triompher de la répugnance indigène. Les résultats obtenus ont d’ailleurs enlevé une si large part des crédits en frais d’administration, que la voix publique a posé cette question, maintes fois déjà rencontrée sur notre route : Pourquoi un service spécial pour les musulmans? Est-ce que leur faim, leur soif, leur misère sont d’une autre espèce que celles des Européens? Hélas! l’assimilation n’est ici que trop réelle, et les indigènes ne la repoussent pas, eux qui reçoivent avec l’attendrissement de la reconnaissance les bons soins des médecins français, des femmes du monde et des sœurs de charité. Le prosélytisme religieux de ces dernières, qui inspire quelques inquiétudes, inviterait tout au plus à les écarter de ce service charitable pour le confier à un zèle moins ardent; mais