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sure que la chose publique exigeait était de s’emparer de tous les pouvoirs que la commune avait délégués, et d’ôter à l’état-major l’influence dangereuse qu’il a eue jusqu’à ce jour sur le sort de la liberté, considérant que ce moyen ne pouvait être mis en usage qu’autant que la municipalité, qui ne peut jamais agir que par les formes établies, serait suspendue de ses fonctions, a arrêté que le conseil-général de la commune serait suspendu. » Ainsi cet étrange arrêté, pris on ne sait comment, on ne sait par qui, rayait la municipalité librement choisie par les citoyens, parce que, « obligée d’agir par les formes établies, » elle n’était pas sans doute à la hauteur des crimes que méditait une poignée de scélérats. Cette commission insurrectionnelle prend donc place à l’Hôtel-de-Ville et en chasse la municipalité. Qui cependant pourrait confondre cette commission, sortie de l’émeute, avec les conseillers de ville qu’elle avait chassés? Si cette commission a pris le nom de commune de Paris, et si elle a usurpé ce titre pour le flétrir et le déshonorer, à qui donc faut-il s’en prendre? Mais on évoque encore les événemens de 1814, de 1830; on s’élève contre les adhésions et les proclamations sorties à ces époques de l’Hôtel-de-Ville. C’est toujours la même confusion de dates et de faits. En conscience, faut-il donc s’attaquer si fort à cette adhésion de l’Hôtel-de-Ville au gouvernement royal de 1814 après tant d’autres adhésions, après celle du clergé, après celle du grand corps de l’état qui retrouvait juste la parole pour apprendre lui-même au pays jusqu’où étaient allés son mutisme et sa docilité? On n’y a pas réfléchi : en 1814 comme en 1830, le conseil municipal de Paris n’était nullement le produit de l’élection. Le conseil municipal de 1814 avait été choisi par Napoléon, celui de 1830 par Charles X; il n’existait plus de liberté municipale en France depuis la constitution de l’an VIII : les maires et les adjoints étaient choisis par le chef de l’état, les conseillers municipaux par le préfet de la Seine. Les attributions des maires avaient été réduites à l’état civil et à la présidence des bureaux de bienfaisance; mais ces magistrats trouvaient un dédommagement dans des faveurs personnelles et dans le prestige de hautes distinctions : Napoléon avait décidé qu’après cinq ans d’exercice, les maires et adjoints de Paris seraient membres de la Légion d’honneur, et que le doyen du conseil municipal serait appelé au sénat. Le conseil municipal, composé d’abord de vingt-quatre membres, avait bientôt été réduit à seize. « Ses fonctions, dit un ancien préfet de la Seine, M. de Laborde, étaient bornées à délibérer et à voter sur les questions qui lui étaient soumises, sans aucune initiative ni contrôle des opérations de l’administration. »

Il serait donc temps de rendre quelque justice à ce qu’on appelle la municipalité de Paris et de ne plus la confondre avec les pro-