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logne, et même que l’autorité morale du pape est la première compromise dans ces confusions? Enfin, dans les états de l’église comme en Toscane, l’indépendance et la souveraineté des gouvernemens italiens sont-elles bien ce que les traités de 1814 et de 1815 ont prévu et fixé?

Une chose est à observer au surplus, c’est que si toutes ces impossibilités créées par la prépondérance de l’Autriche en Italie se révèlent dans la soumission même de quelques-uns des gouvernemens de la péninsule, elles n’éclatent pas moins dans toutes les difficultés qu’éprouvent et que doivent éprouver les états qui veulent maintenir la libre indépendance de leur action. N’ayant point l’Autriche pour amie, ceux-ci l’ont nécessairement pour ennemie secrète ou avouée, et ils se trouvent en face d’une puissance démesurée; ils sont obligés, à chaque instant, d’éluder ou de repousser quelque tentative nouvelle de prépotence habilement déguisée sous les couleurs de l’influence naturelle et légitime que les grands états exercent sur les petits. C’est l’histoire du Piémont non-seulement depuis dix ans, mais depuis 1815. La lutte, une lutte laborieuse et incessante, est la condition de son indépendance. Ayant des intérêts différens, il est réduit, s’il veut les sauvegarder, à se tenir dans une expectative permanente, dans une attitude qui ressemble parfois à un système agressif, et qui n’est cependant qu’une pénible et constante défense. Il est obligé d’avoir des forces relativement considérables, d’armer des citadelles, de surveiller ses frontières, de consacrer à un établissement militaire des dépenses supérieures à ses ressources. Toute la politique piémontaise depuis 1815 n’est qu’une tradition de résistance à peine interrompue, une tradition suivie quelquefois en silence, et presque toujours activement persistante. Lorsque dans les circonstances actuelles on représente le Piémont comme ayant pris l’initiative des agressions contre l’Autriche, ce n’est point absolument exact. En réalité, les rapports entre les deux pays n’ont commencé à s’aigrir qu’à l’époque où le gouvernement autrichien mettait le séquestre sur les biens des émigrés lombards naturalisés sardes, en 1853. Ces émigrés avaient quitté la Lombardie et avaient obtenu la naturalisation sarde avec l’autorisation de l’Autriche; ils étaient dans une situation complètement légale. Les dépouiller de leurs biens n’était pas seulement une injustice morale, qui les enveloppait sans ombre de prétexte dans une solidarité arbitraire avec de vulgaires fauteurs d’insurrection, c’était aussi une violation formelle des traités qui existent entre l’Autriche et la Sardaigne, et par lesquels les deux états garantissent à leurs sujets respectifs le droit de posséder des propriétés dans l’un et l’autre pays. Le Piémont aurait pu exercer