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Il y a aujourd’hui au-delà des Pyrénées un fait plus curieux et d’un intérêt plus général, parce qu’il se lie à la situation de l’Europe : c’est l’attitude même de l’Espagne en présence des événemens qui s’accomplissent en Italie, L’Espagne est neutre dans la crise actuelle. La neutralité a été discutée et approuvée dans les deux chambres ; elle a été proclamée par le gouvernement, qui s’est borné à demander au parlement quelques ressources nouvelles pour munir l’armée du matériel nécessaire à tout événement. Jusque-là rien n’est plus simple : la neutralité est évidemment la seule politique de l’Espagne. Aussi n’est-ce point là ce qu’il y a de particulier dans la situation de la Péninsule. Ce qu’il y a de curieux en dehors de la politique officielle, c’est le mouvement même des opinions autour de cette grande question qui s’agite. Pour tout dire, on peut remarquer un fait assez surprenant au premier abord : c’est la visible préférence du parti modéré pour la cause de l’Autriche. Est-ce en haine des progressistes qui se sont montrés favorables à l’indépendance italienne ? Est-ce dans l’espoir de surprendre en défaut le ministère, qui pourtant paraît tenir lui-même à rester neutre et très neutre ? Toujours est-il que les journaux conservateurs de Madrid ne sont nullement dans notre camp par leurs sympathies. Ils excellent à diminuer nos succès, à débrouiller les obscurités du télégraphe au profit de l’Autriche, à grossir les complications européennes qui peuvent venir en aide à la cour de Vienne. Ils pratiquent avec un grand zèle le système de neutralité qui consiste à mal parler de la France et du Piémont, et à parler avec beaucoup de respect de l’Autriche. Nous ne savons vraiment jusqu’à quel point il est de l’intérêt du parti modéré espagnol de laisser croire que les idées de conservation telles qu’il les comprend trouvent leur expression la plus haute dans la politique autrichienne et dans la permanence de la domination impériale en Italie. Lorsque la question s’est élevée dans les chambres, un homme éminent qui a été ministre des affaires étrangères, M. Pacheco, en exprimant les plus vives sympathies pour l’indépendance de l’Italie, se montrait en même temps préoccupé et soucieux des résultats généraux d’une guerre qui tendrait à trop affaiblir l’Autriche au centre de l’Europe. C’était parler en politique sensé et montrer le péril qui pouvait aussi mettre en jeu les intérêts de l’Espagne. La prévoyance, une prévoyance attentive et indépendante, n’est pas ce qui nous étonnerait ; ce qui semble étrange, c’est l’hostilité trop peu déguisée des journaux conservateurs de Madrid contre l’indépendance de l’Italie. À vrai dire, nous doutons que ces inclinations autrichiennes trop prononcées soient pour les modérés espagnols le meilleur moyen de refaire leur situation et de reconquérir dans les affaires un ascendant affaibli par les divisions intérieures.

Plus d’un peuple en Europe suit avec une sympathique et ardente curiosité cette lutte dont le prix est la résurrection constitutionnelle de la nation italienne, et le Danemark est de ce nombre. Le Danemark désire fort rester en paix, et l’opinion en général n’est pas moins prononcée en faveur de l’Italie. Ce petit pays est d’ailleurs dans une situation singulière : par ses vœux et ses sympathies, il est sans nul doute du côté de la France et du Piémont, et, comme membre de la confédération germanique pour le Holstein, il a dû s’associer aux mesures de préparation militaire adoptées par la diète de Francfort, en mettant les contingens des duchés en état de prendre les armes