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italien, une jeune fille trompée et devenue mère se trouve réduite à la plus extrême indigence. Pour éviter à son enfant les souffrances de la misère, elle le confie à l’hospice, bien résolue à le reprendre plus tard, si la fortune, ou du moins ce que, dans sa modeste ambition, elle appelle la fortune, vient à lui sourire; mais ses efforts sont vains : elle perd l’enfant de vue, et, privée même du pauvre bonheur de savoir ce qu’il est devenu, elle poursuit dans les larmes et le désespoir sa vie de misère. De bonne heure épuisée, elle sent la mort venir et appelle un prêtre; elle lui fait l’humble confession de ses fautes. Celui qui l’écoute n’est autre que ce fils, cause de tant de chagrins; elle le voit, l’embrasse et meurt en paix. Avec cette donnée si simple, M. Mamiani a composé une charmante nouvelle qui ne se distingue pas moins par l’élégance et la correction de la forme que par l’intérêt du récit et la sobriété de la conception. C’est par de telles productions que l’auteur de la Villetta mérite une place distinguée dans l’école classique contemporaine, et qu’il se distingue des purs formistes, si nombreux dans l’école de Foscolo et de Leopardi.

Nous devons aussi dire un mot d’une femme qui honore l’Italie par son caractère et par son talent. Depuis bien des années, Mme Ferrucci a consacré ses loisirs à la défense de toutes les nobles causes. Mère aussi dévouée que malheureuse, elle a fait beaucoup pour la grande et sainte entreprise de l’éducation des filles, plus négligée encore en Italie que partout ailleurs. Poète, elle s’attache à reproduire la forme pure et précise des maîtres dont elle s’est nourrie, sans renoncer à l’originalité de ses inspirations personnelles. Prend-elle la plume, c’est pour pleurer sur la défaite héroïque et sur l’exil des Polonais. D’autres fois elle célèbre, dans un Hymne au Soleil, les splendeurs et les bienfaits de ce rayon du paradis, comme elle l’appelle, qui porte à Dieu toutes les âmes, excepté celles des maudits, ou la mort elle-même, la mort, terreur des humains, mais véritable source de vie, et qu’elle compare, non sans justesse, aux entrailles putréfiées du taureau d’où s’échappent les abeilles. Mme Ferrucci se distingue par le sujet de ses chants et la vigueur de sa pensée non moins que par l’élégance et la pureté de ses vers. Muse élevée autant qu’honnête et consciencieuse, elle s’enferme, avec la modestie qui sied à la femme, à l’ombre du foyer domestique, et l’éloignement où elle se tient des coteries littéraires l’empêche seul d’avoir auprès de ses concitoyens une renommée plus retentissante.

Là ne s’arrêterait pas la liste des poètes ou plutôt des versificateurs italiens qui se rattachent à l’école classique. Toutefois, s’il fallait en juger par le nombre, les disciples de Leopardi ne sauraient lutter avec avantage contre leurs rivaux. On ne s’attache pas, en