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on jeté quelques clartés de plus dans l’exposé des causes qui ont amené la rébellion indienne, des situations violentes qu’elle a créées, des efforts prodigieux, de la constance héroïque qui en ont amené la répression.

Un tragique incident avait marqué, on s’en souvient, le lendemain de la prise de Delhi. Le vieux souverain musulman, que la prise de sa capitale venait de précipiter du trône, s’était réfugié avant la fin de la lutte dans une de ses résidences, le Rootub, et de là négociait avec les vainqueurs, dont jusqu’alors il n’avait obtenu que la promesse de la vie sauve. A peu de distance, dans la vaste enceinte d’un de ces palais que l’orgueil oriental donne pour tombe aux monarques défunts, les trois jeunes princes ou shahzaddas qui avaient en réalité exercé l’autorité royale pendant toute la durée du enfermés siège attendaient aussi leur sort, comme fascinés par le terrible ascendant de la puissance victorieuse. Des milliers de partisans armés entouraient encore ces débris de la cour mogole. Il semblait superflu, et dans tous les cas fort hasardeux, au chef de l’armée anglaise, décimée par l’assaut et occupée à reformer ses cadres brisés, de tenter un effort de plus pour compléter un succès déjà décisif. Sur ces entrefaites, un jeune officier connu par son audace alla, presque sans autorisation, saisir dans son dernier asile le roi de Delhi, et le ramena prisonnier dans sa capitale dévastée. Le lendemain, encouragé par ce premier succès, il courait sommer les shahzadas de se livrer sans conditions à sa douteuse miséricorde. Ils n’avaient qu’une volonté à concevoir, un mot à prononcer, pour que le petit détachement qui servait d’escorte à l’officier anglais fût entouré, désarmé, détruit; mais le fatalisme oriental l’emporta sur toute inspiration de désespoir ou de courage. Les shahzadas se rendirent ignominieusement, et deux heures après ils tombaient l’un après l’autre sous les balles du hardi capitaine qui était venu les désarmer et les enlever. Cet officier se nommait William Stephen Raik.es Hodson. Six mois plus tard, lui-même tombait un des premiers dans les murs de Lucknow reconquis.

Le vaillant soldat qui venait de périr ainsi à l’âge de trente-sept ans était le troisième fils d’un membre distingué de la hiérarchie anglicane, archidiacre de Stafford, chanoine de Lichfield. Né en 1821, élevé d’abord par un précepteur auprès de son père, il avait ensuite passé à l’école de Rugby, sous la direction du célèbre docteur Arnold. Là son souvenir vit encore, et William Hodson est inscrit dans les annales du pensionnat comme un des gymnastes les plus adroits, un des coureurs les plus infatigables, un des meilleurs écuyers qu’on y ait jamais connus. Les élèves de Rugby ont pour champ de course à pied un tracé de six milles sur un sol accidenté, qu’il faut franchir en un temps donné, pas tout à fait une heure et de-