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de ses plaidoyers. Il est du 12 février 1858. Un mois plus tard, la main vaillante qui l’avait tracé se raidissait pour jamais.

Hodson commence par se justifier d’avoir promis la vie au roi de Delhi après l’avoir fait prisonnier. Qu’on démente donc ce bruit calomnieux. La promesse du général Wilson était de deux jours antérieure à la capture; on a eu raison de ne pas la marchander. Le nom seul du vieux monarque était un tocsin qui peu à peu aurait soulevé tout l’Hindostan. Et que valait après tout l’existence d’un vieillard de quatre-vingt-dix ans auprès de toutes celles qu’on rachetait en le déterminant à se livrer? « Mais, continue-t-il, n’est-il pas étrange que ceux-là mêmes qui me blâment le plus haut pour avoir épargné le roi m’accusent aussi d’avoir tué ses fils? Ouousque tandem?... pourrais-je à bon droit m’écrier, moi aussi. Au fond cependant, je suis complètement indifférent à l’un et à l’autre reproche. Dès cette époque, je pris mon parti de tout ce qu’on pourrait me jeter de censures et d’invectives. J’étais convaincu d’être dans le vrai, et en me préparant à courir le risque matériel de l’entreprise, je me bronzais aussi d’avance contre les chances diverses qu’elle pourrait moralement avoir. Les temps par lesquels nous avons passé, le temps même où nous sommes, ne sont pas de ceux où un homme qui prétend servir son pays doit s’arrêter aux conséquences que peut avoir pour sa personne privée l’accomplissement de ce qu’il croit son devoir. »

Ainsi parle Hodson. Son frère, ecclésiastique distingué, un des gradués de Cambridge, lui vient charitablement en aide en citant la lettre de félicitations de M. Montgomery[1], le même qui depuis a pacifié l’Oude, et une réponse directe de sir T. Seaton aux questions soulevées par ce drame étrange.


« Vous demandez, dit le second de ces éminens personnages, une réponse à ces questions si controversées : pourquoi a-t-il garanti la vie du roi? pourquoi a-t-il exigé des princes qu’ils ôtassent leurs vêtemens avant de les tuer? Il a promis la vie au roi de Delhi parce que tel était l’ordre du général Wilson... Ici, personne ne s’est demandé pourquoi il avait fait déshabiller les princes, ou, disons plus vrai, pourquoi il leur a fait ôter leurs vêtemens de dessus. Ce n’était certainement pas, comme l’ont prétendu quelques Français stupides, « pour ne pas gâter le butin[2] ; » car si les habits de dessus répondaient à ceux de dessous, dans lesquels les cadavres ont été enterrés, ils eussent été payés cher à un shilling la pièce. Hodson les fit déshabiller tout simplement pour rendre plus effrayantes et leur mort et l’exhibition qui suivit devant la Kotwalla. Quelques personnes demandent aussi « pour-

  1. Voici textuellement le billet de M. Montgomery, daté du 29 septembre 1857 : « Cher Hodson, honneur à vous, honneur aux cavaliers qui portent votre nom, pour avoir pris le roi et tué ses enfans! J’espère que vous en mettrez encore bien d’autres au sac. En toute hâte, votre à jamais,
    R. MONTGOMERY. »
  2. Ces mots incorrects sont en français dans l’original.