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avec la prétention, dont ils font grand état, d’être les amis et les protecteurs de l’agriculture. Comme un très grand nombre d’agriculteurs, et à peu près sans exception les plus éclairés, sont manifestement contraires à cette restauration, on s’explique peu les démarches que le parti prohibitioniste fait dans ce sens et l’espérance qu’il nourrit d’attirer par ses démonstrations l’agriculture et la propriété territoriale sous son étendard, de manière à former avec elles une phalange qui gagne définitivement la bataille au profit du système prohibitif. Il semble évident qu’il se fourvoie. Il n’y a qu’une manière de se rendre compte de cette fausse manœuvre. Les prohibitionistes ici subissent l’influence des moins raisonnables d’entre eux. Des protectionistes modérés et sages auraient accédé au vœu de l’agriculture, de laisser l’exportation libre; il faut cette circonstance que le parti soit dirigé par des hommes ardens, acquis d’avance à toute idée exagérée, pour qu’il suive un pareil plan de campagne. De même que, par la force d’un insurmontable instinct, le chat à la vue de la souris se jette sur elle et l’étrangle, ou, pour prendre une comparaison qui ménage mieux l’amour-propre d’un parti où l’on compte tant d’hommes honorables, occupant une position élevée dans l’activité nationale, de même qu’Achille à Scyros, tout déguisé qu’il est en jeune fille, se saisit du glaive que l’artificieux Ulysse a caché comme par hasard au milieu des riches tissus et des joyaux, de même, mise en présence de la législation de 1832, qui est hérissée d’entraves aussi bien à la sortie qu’à l’entrée, l’association prohibitioniste, au lieu d’écouter les conseils de la prudence, de la conciliation et de l’esprit d’équité, a pris à pleines mains les restrictions de l’un et de l’autre genre. C’est ainsi qu’il a été donné au parti pour consigne de revendiquer la réintégration de l’échelle mobile aussi bien à la sortie qu’à l’entrée. Le parti a commis là une faute grossière, qui ne peut manquer de dessiller les yeux de beaucoup de personnes. Si, comme les meneurs prohibitionistes, nous avions des idées absolues, nous nous réjouirions de cette bévue, dont la conséquence doit être, dans un temps donné, de détacher du drapeau de la prohibition l’agriculture en masse; mais, nous le disons sincèrement, nous regrettons que le parti ait donné cet avantage aux hommes qui poussent le pays dans la voie d’un tarif libéral. Il serait d’intérêt public qu’après tant de débats on se mît enfin d’accord sur les termes d’une transaction avouable, quelque peu conforme à la renommée de l’industrie française, à son avancement bien constaté, ainsi qu’aux véritables intérêts de l’agriculture, qui est constamment sacrifiée : cela importe à la paix intérieure.

Il est un arrangement qui se présente naturellement à l’esprit