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Ici ce sont les récriminations autricliiennes que nous rencontrons, car c’est bien manifestement l’Autriche qui s’est opposée à la réunion du congrès. L’Autriche allègue la note par laquelle M. de Buol annonçait son adhésion au ministre russe à Vienne, M. de Balabine. M. de Buol parlait, il est vrai, dans cette note du désarmement du Piémont ; mais, à notre avis, en indiquant la convenance du désarmement du Piémont, l’Autriche semblait préparer un thème de discussion ultérieure, et non poser une condition sine qua non de son adhésion au congrès. Plus tard, la question du désarmement a été généralisée. Nous avons applaudi, dans une intention sincèrement pacifique, à la pensée de faire précéder par le désarmement général les délibérations du congrès. Nous entrions même à cet égard dans une appréciation impartiale des intérêts de l’Autriche : nous comprenions que l’Autriche aurait eu dans le congrès une situation particulière, puisque les résolutions du congrès ne devaient, en aucun cas, rien enlever aux autres puissances, tandis que l’Autriche seule avait à faire des concessions qui lui paraîtraient naturellement très considérables. En retour de ces concessions, dont son entrée au congrès eût été le gage, il était juste qu’on lui assurât par le désarmement général une garantie positive du maintien de la paix. Cette considération avait persuadé tout le monde : la France concédait le désarmement général et préalable dans la forme stipulée par les dernières propositions anglaises ; le Piémont lui-même y acquiesçait. Or, à la surprise de tout le monde, ce prétexte du désarmement lui faisant défaut, c’est sur une question de dignité, suivant nous mal comprise, que l’Autriche a rompu les négociations. Elle a sacrifié les chances de la paix à une puérile et peu politique répugnance d’amour-propre. Elle n’a pas voulu, elle grande puissance, se trouver dans un congrès en présence du petit Piémont. L’Autriche, dit-elle, en adhérant au congrès, n’entendait participer, suivant les termes de la proposition russe, qu’à une négociation entre les cinq grandes puissances, et elle ne pouvait laisser modifier cette base première par l’admission du Piémont, à qui, ajoute-t-elle avec ironie, le désarmement ne saurait, en aucun cas, conférer le caractère de grande puissance. La fierté est estimable sans doute, mais à une condition : c’est qu’elle ne se laisse pas ternir par l’équivoque. Or les tergiversations du cabinet de Vienne au sujet de l’admission des états italiens au congrès ont frappé toute l’Europe. M. de Buol avait demandé d’abord comme une des bases du congrès l’observation du protocole d’Aix-la-Chapelle de 1818. Ce protocole avait décidé que, dans les congrès ultérieurs, on appellerait à l’avenir les états secondaires sur les intérêts desquels on aurait à délibérer. En invoquant l’autorité du protocole d’Aix-la-Chapelle, le cabinet de Vienne ne pouvait avoir que la pensée qui venait naturellement à l’esprit de chacun : c’est qu’un congrès où seraient discutées les aifaires d’Italie ne pouvait se passer du concours des états italiens. L’Autriche, assure-t-on, espérait avoir pour elle les voix de Rome, Naples, Florence et Modène, et n’avait pas de scrupule, avec un tel cortège, à affronter le Piémont au sein du congrès. L’on n’aurait malheureusement pas tardé à savoir que ni Rome, ni Naples, ni Modène, ne consentaient à envoyer des agens au congrès. Quant à la Toscane, elle hésitait : elle aurait fini sans doute par s’y faire représenter ; mais ce qui paraît certain aussi,