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dent en longues lignes parallèles, comme les flots de la marée montante, entre l’Arno et la Maremme, tandis qu’au nord et à l’ouest il est fermé par les cimes plus hautes et plus sévères de l’Apennin, dominées elles-mêmes, dans la direction de Lucques et de Pistoja, par les sommets déchirés des alpes de Carrara. Combien de fois, suivant les quais de Lungh’ Arno, aimés du soleil, comme eût dit le vieil Homère, — laissant à droite les sombres arcades desUffizi, à gauche le Ponte-Vecchio, témoin du premier acte de vengeance qui inaugura les longues guerres des guelfes et des gibelins, — je m’étais rendu le soir sous les hauts ombrages et au bord des vertes prairies des Cascine ! J’étais plus jeune alors d’une quinzaine d’années. — A peine de retour à Florence, je voulus recommencer cette heureuse vie. — Pendant la journée, je me lançais, comme jadis, à peu près au hasard, au milieu de ces rues dallées comme une cour et bordées de hautes maisons à persiennes vertes. J’aimais surtout à parcourir celles où l’on rencontre presque à chaque pas une de ces sévères demeures de l’ancienne aristocratie florentine, qui, forteresses par le pied, ont retenu les imposantes et rudes assises à bossages, les hautes et rares ouvertures, les grillages de fer, tandis que, palais par la tête, elles ont le front orné d’une loggia, d’un auvent en saillie ou d’une corniche de la renaissance. Depuis le sinistre Bargello, qui fut construit pour les podestats des premiers temps de la république, et qui sert aujourd’hui de prison, jusqu’aux villas que l’on construit à l’heure qu’il est, pour de riches étrangers, sur les quais prolongés de l’Arno, — il est facile de suivre toutes les phases et les transformations successives de cette architecture originale, essentiellement propre à Florence, dont le palais Strozzi est peut-être le type le plus parfait. Ici, sur cette grande place presque rectangulaire, devant l’église inachevée de Santa-Croce, se sont préparés bien des mouvemens populaires. Bien des révolutions se sont accomplies sur la Piazza Granduca, au pied de ce pittoresque beffroi, qui se dresse comme un obélisque au milieu des créneaux d’une citadelle du moyen âge. Voici le palais des Riccardi et celui des Albizzi. Les tours des Ademari s’élevaient à l’entrée de cette rue. Entrez dans le Dôme : la sacristie de droite est celle où se réfugia Laurent le Magnifique, pour échapper aux coups des Pazzi, qui venaient en pleine église d’assassiner son frère Julien. Cette enceinte de hautes murailles flanquées de grosses tours est celle qui a tenu dix mois en échec les armées de Charles-Quint. Le théâtre de l’histoire de France a trois cents lieues de long et autant de large; celui de l’histoire de Florence a quelques milles de tour. Aussi le voyageur ne peut-il faire dix pas sans se heurter à l’un des grands souvenirs de la moderne Athènes. A côté des lieux et des