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de l’Arno, qui, après avoir marché presque en ligne droite à la rencontre l’un de l’autre, forment brusquement un coude pour prendre ensemble le chemin de Florence. Du salon je découvrais la riante vallée au fond de laquelle s’échelonnent les petites villes d’Incisa, de Figline, de San-Giovanni, de Montevarchi. En arrière s’élèvent les montagnes pelées de la Consuma, et un peu plus à gauche les hautes sapinières de Vallombreuse. Un podere (métairie) voisin du casino ne tarda pas à devenir l’objet de mes observations. Une trentaine d’arpens sur le versant d’une colline ; en bas, des vignes enlacées aux branches d’ormeaux taillés en corbeille, ou se balançant en festons d’un mûrier à l’autre ; entre les arbres plantés en ligne et séparés par des fossés, des champs portant du blé, de l’orge, du maïs ou du lupin ; le long des fossés, de petites chaussées semées de luzerne ; plus haut, des oliviers plantés en quinconce ; au sommet du poggio[1], une petite maison en briques, blanchie à la chaux, avec les armoiries du propriétaire peintes à la détrempe sur le côté le plus en vue, voilà le théâtre de mes explorations. Plus longue que haute, la maisonnette n’a qu’un seul étage. Du milieu d’un toit en tuiles creuses s’élève une tour basse et carrée, couverte aussi en tuiles ; l’une de ses faces est percée de trous comme une écumoire : c’est le colombier. En bas sont le pressoir, l’écurie du cheval, l’étable où se reposent quatre bœufs blancs, et où rumine en paix une muca[2] noire comme Apis ; les celliers où sont déposés les légumes, où le vin vieillit dans la botte[3] et dans le fiasco[4], où l’huile se dépouille dans l’antique orcio[5], comme du temps de Columelle. On monte aux chambres d’habitation par un escalier extérieur, conduisant à une galerie ouverte ; entre les arcades sont suspendus les gros épis couleur orange du grano turco (maïs) ; sur le mur d’appui trônent quatre ou cinq grosses citrouilles d’un jaune plus pâle. Derrière, on aperçoit un jardin potager avec quelques arbres fruitiers. À l’un des angles du casotto, deux figuiers aux bras noueux détachent vivement leur feuillage vert sombre sur les teintes pâles de la muraille. De petits cylindres en bois creux, recouverts d’une planchette et rangés les uns à côté des autres sur une pierre saillante, sont des ruches d’abeilles. Une cinquantaine de poules courent çà et là. À côté de l’aja[6], pavée en dalles de pierre grise, s’élèvent trois meules de paille ou de fourrage. Plus près de la maisonnette

  1. Coteau, colline.
  2. Vache laitière.
  3. Tonneau.
  4. Grosse bouteille enveloppée de paille tressée.
  5. Espèce d’amphore, grand vase en terre cuite.
  6. Aire à battre le grain.