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l’authenticité et de l’infaillibilité de la Bible, on entreprit de mettre d’accord la science et la foi, et une foule de théories furent proposées en vue d’expliquer la Genèse par la physique; on traduisît l’hébreu dans la langue scientifique nouvelle, la naïveté du récit fut complètement dénaturée. Je pourrais énumérer bien des ouvrages conçus dans cette pensée, et qui se sont éloignés de plus en plus du texte biblique, à mesure que la physique et la géologie ont fait des progrès; mais je renverrai le lecteur au Discours sur les Révolutions du Globe de Cuvier, qui n’est pourtant pas lui-même exempt de cette préoccupation d’orthodoxie, ou bien encore aux Principes de Géologie de Lyell, publiés dans un pays où la Bible n’a point encore vu prononcer son divorce avec la science. Le récit de la Genèse est si court, l’œuvre des sept jours y est si imparfaitement exposée, les notions physiques qu’on y entrevoit sont si vagues, que les systèmes les plus contradictoires s’y sentirent également à l’aise, et chacun put y trouver facilement la démonstration de sa propre théorie. On finit cependant par se dégoûter de ce perpétuel commentaire, où le caractère évident du texte était de plus en plus sacrifié au désir de mettre le livre en conformité avec les faits. La majorité des savans s’aperçut à la longue que Moïse, ou l’auteur, quel qu’il soit, de la Genèse, ne savait ni l’histoire naturelle, ni la physique, ni la géologie, que la Bible était un code sacré et non un traité scientifique. Dès ce moment, laissant à ce livre son véritable caractère, on se renferma dans le domaine des faits observés, et l’on travailla à découvrir les origines du globe, sans conférer davantage avec les théologiens. L’exemple de Galilée prouvait d’ailleurs qu’il n’était pas toujours facile de rassurer ceux-ci sur l’orthodoxie des faits les mieux constatés. C’est à ce point qu’en est aujourd’hui la science.

L’étude du sol a mis sur la trace de quelques-uns des grands phénomènes qui présidèrent à la formation du monde; mais on est loin d’avoir tout découvert. L’imagination s’impatiente de ces retards; elle veut, bon gré, mal gré, suppléer à l’insuffisance des observations, et elle encombre les théories scientifiques d’idées qui ne leur appartiennent pas. Afin d’éviter ce dangereux mélange, il est nécessaire de faire la part du vrai, ou tout au moins du probable, et celle du chimérique, de nettement circonscrire ce qu’on sait pour que l’on soit en garde contre ce que l’on invente. J’essaierai donc d’indiquer en traits généraux les résultats auxquels l’observation nous a conduits; ce sera l’ébauche de la cosmogonie scientifique et positive qu’il est réservé à l’avenir de complètement éclairer.