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Avant d’atteindre jusqu’à ce qu’on peut nommer faire septmonceloise, il faut traverser une des parties les plus pittoresques du Jura. Les beautés naturelles semées à chaque pas dans ces montagnes suffiraient seules pour y appeler les voyageurs, et pourtant ce pays est peu visité; les perspectives qu’on y rencontre, la vie qu’on y mène, sont presque inconnues. Le Jura français compte à peine parmi les régions où s’en va chaque année le flot grossissant des touristes. La Suisse, l’Italie, les bords du Rhin, voilà les lieux classiques où se presse cette foule moutonnière, toujours jalouse d’emporter avec elle la nomenclature des admirations qu’elle doit ressentir. Parlez du Jura à ces coureurs effarés, ils ne croiront jamais le traverser assez vite, et ils ne voudraient pas allonger leur itinéraire pour en interroger les replis capricieux et les pittoresques sommets.

Comme tous les pays de montagnes, le Jura ne consent du reste à se révéler qu’aux voyageurs qui le visitent sans précipitation, et qui savent au besoin s’écarter des routes frayées. A vrai dire, ce pays demande à être parcouru à pied. On a vanté sous toutes les formes, surtout depuis certaines pages de Rousseau, le charme des excursions pédestres; on a dit que les voyages à pied sont ceux qui excitent en nous les plus vives sensations. Ils sont à coup sûr ceux qui permettent le mieux à l’âme humaine de se sentir la maîtresse de ce monde, et ceci reste vrai, même après les merveilleuses conquêtes réalisées de nos jours dans l’industrie des transports. Il ne suffit pas d’aller vite : l’intérêt réel est au terme où se dirigent nos désirs, là où il nous semble que l’aiguillon de la vie deviendra plus pénétrant et plus sensible. Supposons les facilités de la locomotion encore agrandies, l’homme n’en sera pas moins obligé de savoir s’arrêter souvent, s’il veut étudier, s’il veut connaître les mille variétés des régions qu’il traverse. Pour notre part, c’est avec ces pensées que nous avons visité le Jura, en y voyageant à pied la plupart du temps. Sans doute des pérégrinations pédestres ayant un objet spécial laissent moins de liberté aux mouvemens, moins de place au caprice que les courses de pure fantaisie; cependant la tâche méthodique qu’on s’est imposée n’a pas nécessairement pour effet de rendre insensible aux charmes de l’imprévu, ni, en présence des saisissans aspects de la nature, de comprimer l’essor de la pensée.

L’intérêt d’un voyage à pied dans le Jura, pour ceux du moins qui comme nous se dirigeraient vers Septmoncel, commence à Lons-le-Saulnier. Lorsqu’on veut gagner cette ville en venant de Paris, on quitte à Châlon-sur-Saône la grande ligne de fer de la Méditerranée. Entre Châlon et le chef-lieu du département du Jura, rien qui soit digne d’arrêter les yeux; on se prend à regretter les humbles