de telles œuvres n’en sont pas moins de nature à légitimer les regrets qu’a excités cette fin prématurée. Le premier de ces tableaux, — portrait de famille doublement funèbre, puisque l’exécution en a été interrompue par la mort de l’un des modèles et par la mort du peintre lui-même, — n’est dépourvu ni de grâce dans la composition, ni d’une certaine élévation dans le style. Le second, représentant Sainte Claire recevant le corps de saint François, atteste une fois de plus ce qu’avaient révélé déjà les autres travaux de M. Bénouville, une manière sobre, consciencieuse, exempte de pédantisme, sinon de quelque froideur. Enfin le plus important à tous égards de ces trois ouvrages posthumes, Jeanne d’Arc au moment où elle entend les voix qui l’appellent à la délivrance de son pays, montre sous un aspect assez neuf une figure et un sujet bien souvent abordés par le pinceau.
Que de fois, dans notre siècle surtout, cette noble figure de la Pucelle n’a-t-elle pas séduit l’imagination des peintres et des sculpteurs ! Il semble que l’art ait tenu à honneur de venger la sainte héroïne des injures de la poésie, et que les sarcasmes proférés par Voltaire, en soulevant la conscience publique, n’aient servi qu’à rendre plus respectable et plus chère cette mémoire un moment outragée. Et cependant, malgré tous les efforts tentés jusqu’ici, le type en quelque sorte classique de Jeanne d’Arc est encore à déterminer. Il y a deux manières de concevoir cette figure. On peut ou faire prédominer l’élément héroïque en donnant aux traits, à l’attitude, à toute la personne de Jeanne d’Arc une physionomie robuste qui exprimera la virilité de l’âme, ou bien ne nous laisser voir que la colombe séraphique, peindre la résignation d’une douce victime, d’une martyre docile aux ordres de Dieu, mais d’autant plus digne de vénération qu’elle sera physiquement plus délicate, et que le rôle accepté par elle sera moins conforme à sa faiblesse. De ces deux modes d’interprétation, le second est le plus vraisemblable peut-être, c’est en tout cas le plus poétique : aussi les artistes l’ont-ils habituellement préféré. La princesse Marie d’Orléans dans sa statue du musée de Versailles, M. Saint-Èvre dans un joli tableau que possède le musée du Luxembourg, M. Mottez dans une de ses peintures à fresque qui décorent le portail de Saint-Germain-l’Auxerrois, beaucoup d’autres encore, ont envisagé Jeanne d’Arc à ce point de vue de la candeur et de la grâce mystique. Sans rompre complètement avec les traditions de ses prédécesseurs, M. Bénouville a tenté de les modifier dans un sens plus passionné. Tout en conservant à l’humble pastoure le caractère de jeunesse et d’innocence nécessaire à cette chaste figure, il a voulu, dans la physionomie comme dans le geste, faire pressentir la ferveur et l’enthousiasme. Malgré son attitude énergique, malgré l’animation de ses traits,