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III

La première séance publique se tint le 30 mars 1786 à l’hôtel de l’intendance. L’histoire a conservé le souvenir de beaucoup de solennités moins utiles. M. de Calonne, contrôleur-général des finances, y assistait. La séance commença par un discours de M. le duc de Charost sur l’utilité des sociétés d’agriculture ; puis vinrent des lectures de Daubenton sur l’amélioration des troupeaux, du marquis Turgot sur les arbres résineux, de Parmentier sur les pommes de terre. Quand on songe aux conséquences qu’ont eues les idées exprimées dans ces trois mémoires, on cherche les événemens de notre histoire plus féconds et plus importans. Les bêtes à laine d’Espagne commençaient à peine à s’introduire en France sous les auspices de Daubenton ; aujourd’hui 10 millions de moutons français sont issus de croisemens avec les mérinos, et une valeur annuelle de cent millions de laines, qui se double par le travail des manufactures, est sortie de ces croisemens. La pomme de terre, vantée par Parmentier, soulevait de toutes parts des préventions contraires, et aujourd’hui 100 millions d’hectolitres de pommes de terre, valant ensemble 250 millions au moins, servent tous les ans à l’alimentation des hommes et des animaux. Les arbres résineux n’ont pas créé tout à fait la même richesse, mais ils étaient alors aussi peu répandus que le mérinos et la pomme de terre, et tout le monde sait quels progrès ils ont faits depuis, surtout dans les terres pauvres, comme les Landes, la Sologne et la Champagne.

Dans les années suivantes, la société tint régulièrement une séance publique où assistaient les ministres et où elle distribuait des prix. Le plus important de ces prix a été obtenu en 1787 pour la question suivante : quelles sont les espèces de prairies artificielles qu’on peut cultiver avec le plus d’avantage dans la généralité de Paris, et quelle en est la meilleure culture ? Trente-deux mémoires avaient été envoyés au concours, ce qui montre combien ce genre de questions occupait alors les esprits. Le mémoire couronné, dont l’auteur était Gilbert, professeur à l’École royale vétérinaire, a été imprimé tout entier dans le recueil de 1788. C’est un travail complet, d’environ trois cents pages, qui contient les renseignemens les plus précis sur la culture de toutes les plantes propres à former des prairies artificielles, comme la luzerne, le sainfoin, le trèfle, la vesce, le ray-grass et autres graminées, la spergule, la pimprenelle ; l’auteur y joint les racines, comme les turneps, les carottes, les panais, les betteraves, les pommes de terre, ainsi que les diverses espèces de choux, et jusqu’à l’ajonc, dont il parle en excellens termes.