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acceptée partout. Un congrès solennel des cinq grandes puissances se trouvait ainsi substitué à la négociation particulière dont l’Angleterre avait pris l’initiative, Il restait à formuler les élémens de cette délibération européenne, et ces élémens étaient précisés par l’Angleterre elle-même dans quatre propositions qui, par une singularité bizarre, parurent au premier instant avec quelques différences à Vienne et à Paris, mais qui en réalité se résumaient à peu près ainsi, on se le rappelle : déterminer les moyens par lesquels la paix peut être maintenue entre l’Autriche et la Sardaigne, — établir comment l’évacuation des États-Romains par les troupes françaises et autrichiennes peut être le mieux effectuée, — substituer aux traités entre l’Autriche et les duchés une confédération des états de l’Italie entre eux, — examiner s’il convient d’introduire des réformes dans les états italiens. L’Autriche acceptait le congrès et les propositions.

Dès ce moment cependant commençait à paraître le véritable obstacle à la paix, la pensée réelle de la cour de Vienne. Comment le cabinet autrichien, par l’organe de M. de Buol, interprétait-il en effet ces propositions qu’il venait d’accepter ? On lui proposait de chercher les moyens de maintenir la paix entre l’Autriche et la Sardaigne, et il répondait en parlant de la nécessité « de ramener le Piémont à l’accomplissement de ses devoirs internationaux. » On lui proposait l’abolition de ses traités avec les duchés et la création d’une confédération des états italiens, et il se jetait dans les interprétations évasives, dans les réticences, sans aborder le point net.

On peut le dire, si l’Autriche était décidée à poursuivre jusqu’au bout la défense de sa politique en Italie, elle avait eu tort d’accepter le congrès, qui ne faisait que retarder son action ; son intérêt était d’ouvrir la guerre aussitôt. Si elle voulait sincèrement la paix, elle avait tort d’ajouter aux propositions de la diplomatie des interprétations qui rendaient cette paix douteuse, sinon impossible. Elle laissait trop voir ce qu’il y avait d’inconciliable entre sa pensée et la pensée de l’Europe. Elle le montrait bien mieux encore lorsque, se ravisant peu après, elle réclamait tout à coup comme une condition absolue de son accession au congrès le désarmement du Piémont, ajoutant comme supplément à cette condition la proposition d’un désarmement général. « L’Autriche, a dit lord Palmerston dans sa verte harangue aux électeurs de Tiverton, l’Autriche demandait que la Sardaigne se dépouillât de ses moyens de résistance, et qu’ensuite, en cas d’insuccès des négociations, elle fût libre, en retour du désarmement du Piémont, de lui tomber sus de tout le poids de sa puissance militaire concentrée, alors que ce petit pays, confiant dans la réunion du congrès, se serait complètement affaibli. » N’importe, on prenait encore ce qu’il y avait d’acceptable