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sur le Rhin. Que l’Allemagne ait ses défiances, cela se conçoit. Ne voit-on pas cependant que contre ces préméditations de conquête, qui sont le grief du patriotisme germanique, il y a non-seulement l’opinion, mais encore l’intérêt le plus manifeste de la France ? Il n’y a point certes aujourd’hui et il ne peut y avoir une pensée d’agression contre l’Allemagne ; il n’y a point en France une question du Rhin, et la première, la plus forte raison, c’est que notre pays aurait aussitôt contre lui toute l’Europe, tous les intérêts, tous les patriotismes… Ces victoires d’autrefois, qui n’eurent qu’un temps, nous les avons payées assez chèrement par les revers qu’on se plaît à nous rappeler, et nous les payons plus chèrement encore peut-être par ces défiances qui accompagnent chaque mouvement de la France. La politique française ne peut songer aujourd’hui à marcher en conquérante au-delà des Alpes, et dès lors la question italienne redevient une de ces questions dont l’Allemagne, comme puissance européenne, a le droit et le devoir de s’occuper, mais qui ne sont une atteinte ni à sa grandeur ni à son existence nationale.

La question italienne, à vrai dire, est désormais une lutte dont le prix est fixé ; ce n’est pas un changement de maître, c’est l’indépendance de la péninsule. Or, dans ces termes, la vraie politique de l’Allemagne découle de ses obligations fédérales envers l’Autriche, ou de ses intérêts propres. L’Allemagne est-elle obligée de se porter au secours de la domination impériale menacée en Lombardie par suite d’une guerre crue l’Autriche elle-même a ouverte ? Qu’on remarque tout d’abord que la confédération germanique, telle qu’elle existe depuis 1815, est par sa nature et par son but essentiellement défensive, ainsi que le dit le pacte fédéral, et que cette force collective de défense n’est constituée que pour garantir le territoire national allemand. C’est là tellement la pensée intime de cette organisation, que lorsqu’on discutait le pacte fédéral, la Bavière avait proposé de stipuler avec plus de précision qu’au cas où un membre de la confédération ayant des possessions non germaniques serait, au sujet de ces possessions, en guerre avec une puissance étrangère, la confédération se réservait le droit de conserver la neutralité. L’expression de cette idée fut jugée inutile. Au demeurant, la situation de l’Allemagne, au point de vue de ses obligations fédérales dans les circonstances actuelles, résulte de deux articles de l’acte final de 1820, qui complétait le premier pacte fédéral de 1815. L’article 46 dit que « lorsqu’un état confédéré ayant des possessions hors des limites de la confédération entreprend une guerre en sa qualité de puissance européenne, la confédération y reste absolument étrangère. » Et l’article 47 ajoute aussitôt que « dans le cas où cette puissance se trouverait menacée ou attaquée dans ses possessions