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Si nous osions, quoique indignes, employer le langage militaire, nous dirions que nous abordons cependant cette situation de guerre avec un objectif précis que nous ne perdrons jamais de vue, et auquel nous rapporterons tous les événemens, toutes les circonstances et tous les incidens qui vont se produire en Europe. Notre objectif est celui auquel tous les amis de la paix se sont ralliés depuis que la paix s’est si malheureusement dérobée à ses amis : c’est la localisation de la guerre. Le succès de l’entreprise dans laquelle la France est engagée est à cette condition, et l’intérêt de la guerre que nous soutenons est en cela conforme au vœu de l’opinion, qui ne fait que rester fidèle à elle-même en voulant, puisqu’elle a été impuissante, à maintenir la paix, que du moins la guerre soit restreinte et abrégée autant que possible. Nous aurons cet objectif présent à l’esprit en appréciant les opérations par lesquelles notre glorieuse armée va conquérir la paix, aussi bien qu’en interrogeant à l’intérieur de la France les impressions publiques ; nous le poursuivrons en observant attentivement les efforts que l’Italie fera elle-même pour son indépendance ; nous l’aurons surtout devant les yeux en étudiant les dispositions des autres puissances, les mouvemens des autres peuples, et en discutant la politique que la France doit observer en face de l’Europe, qui assiste avec des sentimens si divers à. l’émouvant spectacle que nous lui donnons.

Les opérations militaires sont commencées. À l’heure qu’il est, des mouvemens importans s’accomplissent, et nous pouvons apprendre d’un moment à l’autre la nouvelle des engagemens et des succès qui nous ouvriront la route de Milan. Le brillant combat de Montebello a clos la phase de préparation et d’expectative de la campagne. Le général Garibaldi avec sa troupe de volontaires a pris l’initiative du mouvement offensif. Après avoir tourné avec beaucoup d’audace et de bonheur la droite de l’armée autrichienne, il a pénétré jusqu’à Côme : s’appuyant sur les montagnes, il semble prêt à donner la main à l’insurrection de la Valteline et à provoquer des soulèvemens dans le nord de la Lombardie. Le roi de Piémont, déjà maître de Verceil, évacué depuis plusieurs jours par les Autrichiens, a passé la Sesia avec son armée, et occupe Palestro. Le quartier-général de l’armée française est porté d’Alexandrie à Verceil. Sur toute notre ligne se dessine un mouvement de droite à gauche, et en même temps se resserre le grand arc de cercle que nous formons autour de l’armée autrichienne, et dont les points saillans sont maintenant Casteggio, Casale, Palestro et Côme. C’est entre les deux branches de cet arc que nous attend l’armée autrichienne, qui était restée jusqu’à présent indécise sur le point où se porterait notre effort le plus vigoureux. Depuis quinze jours, elle semblait croire que nous tenterions de déborder sa gauche du côté de la Trebbia et de Plaisance. Aussi était-ce de ce côté qu’elle opérait sa concentration. Après avoir fait des pointes au nord et au-delà de la Sesia jusqu’à Biella et à Santhia et avoir porté son quartier-général à Verceil, elle avait rétrogradé successivement derrière la Sesia et avait abandonné Verceil. Le général Giulay, inclinant sur sa gauche, avait placé son quartier-général d’abord à Mortara, puis à Garlasco, en se rapprochant davantage encore de Pavie, la forteresse autour de laquelle pivote son armée. C’est dans cette préoccupation que dès le 15 mai le général Giulay avait dirigé le 5e corps, sous les ordres du comte de Stadion,