Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/747

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Piémont. Mais ici naissent les difficultés, car il semble peu aisé d’atteindre ce résultat sans avoir recours à des procédés révolutionnaires, et il est impossible d’employer des moyens révolutionnaires sans faire violence en Italie même à des traditions fortes, à des intérêts légitimes, et sans froisser la portion de l’Europe qui, maintenant spectatrice de la lutte, est appelée à en être un jour l’arbitre. Que le général Garibaldi, la plus brillante expression actuelle du patriotisme italien militant, parcoure et soulève la Lombardie et installe au nom de l’unité nationale des commissaires du roi Victor-Emmanuel parmi les populations qu’il insurge, nous n’y voyons rien à reprendre : les Lombards n’ont point l’autonomie, et il est naturel qu’ils se rallient à ceux de leurs compatriotes italiens qui se présentent à eux comme des libérateurs. La situation n’est pas la même dans les autres portions de l’Italie gouvernées jusqu’à présent par des souverains qui étaient indépendans de droit, sinon de fait. Sans parler des droits de ces souverains, qui pèseront beaucoup pourtant dans les balances européennes, car ces souverains n’ont point rompu les traités existans, il y a encore l’esprit des populations qui, par leurs tendances naturelles et par leur développement historique, se croient destinées à conserver leur autonomie dans la reconstitution de l’Italie. L’on ne saurait sans injustice et sans inconvénient procéder à leur égard comme on agit en Lombardie. Il faut sans doute les appeler à concourir à la guerre, il faut attirer leurs contingens, il faut accomplir la fusion des diverses forces italiennes ; mais il faut éviter de faire une violence, même apparente, par des annexions arbitraires ou prématurées, non-seulement aux droits qui résultent des traités, mais aux sentimens des populations attachées à leur autonomie historique. Cette situation se présente à Parme, à Modène, mais nulle part dans des conditions plus délicates qu’en Toscane. Qu’il y ait eu dans la révolution toscane un élément unitaire, c’est incontestable ; mais le parti libéral modéré, grâce à la faveur dont l’opinion publique l’entoure, a rendu bientôt la prédominance à l’élément toscan. C’est par l’influence de ce parti que la Toscane a obtenu un ministère respectable et une consulte d’état en dépit des idées unitaires exagérées de quelques hommes qui se donnent pour les vrais représentans de la politique qui règne à Turin. L’autonomie toscane ainsi déterminée, et qui fonctionne, dit-on, passablement, a, paraît-il, couru un sérieux danger il y a quelques jours. La Toscane, disaient les adversaires du nouvel ordre de choses, était en pleine anarchie, et l’occupation française était indispensable. Là-dessus les unitaires de parler d’annexion immédiate, de suppression des douanes, de l’administration des finances, du ministère des affaires extérieures, etc. Cette alerte n’a point été, croyons-nous, tout à fait étrangère à la subite arrivée du prince Napoléon à Florence ; mais il paraît que le péril est passé, et que les libéraux toscans, qui ont su faire valoir leur cause en très bons termes, ont réussi à prévenir l’impolitique absorption dont ils se sont crus menacés. — Au midi de la péninsule, la mort du roi Ferdinand semble devoir être pour le royaume de Naples le point de départ d’une situation plus digne de l’importance qui lui appartient en Italie et en Europe. Le nouveau roi, dont l’avènement, à ce qu’on a prétendu, aurait été traversé par des intrigues de famille, s’appuiera-t-il sur le prince libéral de sa famille, le comte de Syracuse, et sur le général Filangieri ? S’il en était ainsi, Naples