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Philipsbourg,il y rencontra des officiers de d’Harcourt, et par eux il lui proposa de le rendre maître de Brisach, à l’aide de la garnison, dont il répondait. D’Harcourt reçut cette proposition pendant le siège de Villeneuve-d’Agen, et se résolut de l’accepter. Séduit par l’exemple de Condé, il partit le 10 juillet 1652 avec six personnes, comme avait fait M. le Prince, traversa déguisé toute la France, gagna la Franche-Comté, passa dans l’Alsace et arriva sans mésaventure à Brisach, où la garnison, travaillée par Charlevoix, le reçut et se soumit à lui[1]. On comprend dans quel désordre tomba l’armée royale de Guieune en perdant subitement un pareil chef. Il y eut alors une excellente armée sans général, comme auparavant il y avait eu un grand général sans armée. Le siège de Villeneuve-d’Agen fut levé le 2 août, et Marsin, se livrant aux plus grandes espérances, entreprit de s’emparer de Blaye, afin d’être ainsi le maître de tout le cours de la Gironde et de pouvoir donner la main au comte Du Dognon, retiré à Brouage, et qui n’avait pas encore trahi ; mais le baron de Vateville, qui commandait à Bourg avec ses Espagnols, ne voulut fournir ce qui était nécessaire au siège de Blaye que sous la condition que cette place serait remise entre ses mains, tandis que Marsin n’entendait pas céder à l’Espagne une place de cette importance[2]. Ordinaire déception de l’alliance espagnole ! Les affaires de la fronde allaient-elles mal et la royauté menaçait-elle de l’emporter, l’Espagne prodiguait les promesses et envoyait quelque secours. La fronde était-elle victorieuse ou près de l’être, l’Espagne se refroidissait, et pas ses lenteurs mettait obstacle à tout grand succès, en faisant toujours assez pour nourrir la guerre civile, jamais assez pour y mettre un terme. Vateville ne sortit pas de Bourg, Blaye resta au duc de Saint-Simon, et Marsin, réduit à ses propres forces, dut se borner à prendre çà et là quelques petites villes. Il tenait encore la campagne au commencement de l’hiver, quand déjà la cause de la fronde était perdue à Paris et que Condé s’acheminait vers la Flandre.

Mazarin envoya en Guienne, pour y remplacer le comte d’Harcourt, le fils même de celui qu’il songeait à y rétablir comme gouverneur, le duc de Candale, voulant ainsi l’associer de plus en plus à tous ses intérêts. Le jeune duc faisait alors une assez grande figure. Sa naissance, sa fortune, sa bonne grâce (on l’avait surnommé le beau Candale), sa politesse accomplie, en avaient fait l’idole des dames et un personnage dans le genre du duc de Nemours. C’était un ami et presque un disciple de Saint-Évremond[3].

  1. Mémoires de Montglat, p. 395.
  2. Balthazar, p. 342.
  3. Œuvres de Saint-Évremond, édition d’Amsterdam, 1739, t. III, p. 1 : Conversation avec le duc de Candale.