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à l’ouest et l’Évenus à l’est, et que bornent, à quatre milles au nord, les revers boisés du mont Aracynthe. Du côté de la mer, Missolonghi est, comme Venise, entourée de lagunes à travers lesquelles les Rouméliotes[1] dirigent avec une dextérité merveilleuse ces frêles embarcations qu’ils appellent monoxylons, parce qu’elles sont faites d’une seule pièce de bois, à la façon des pirogues indiennes. Sur cette partie de la côte, la mer est si basse qu’elle se retire au souffle des vents du nord, et que les tempêtes qui viennent du midi l’enflent au contraire et lui font envahir les maisons les plus rapprochées d’elle. Avant les guerres de l’indépendance, quelques familles de navigateurs enrichis par les courses lointaines, et qui voulaient jouir des magnifiques horizons du golfe, possédaient là de pittoresques résidences, plus humbles assurément que les palais vénitiens, mais construites aussi sur pilotis. Cette ville se trouve ainsi défendue d’un côté par ses lagunes, qui tiennent à distance les bâtimens de guerre, et de l’autre par ses marais, qui offrent une route difficilement praticable à une armée.

Nous avons visité Missolonghi, et c’est sur les lieux mêmes, en interrogeant quelques-uns de ses anciens défenseurs, que nous avons étudié l’histoire du mémorable siège qu’elle eut à soutenir. Une lettre de recommandation donnée par l’hégoumène du grand monastère de Mégaspiléon[2] nous servit d’introduction auprès du protopappas de Missolonghi. Ce prêtre était un ancien soldat ; il n’avait embrassé la carrière ecclésiastique qu’à la suite de la pacification de la Grèce, et après avoir vu ses deux fils tomber à ses côtés. Si l’érudition théologique de ce vieillard, qui avait servi sous Botzaris, se ressentait un peu de son éducation première et des aventures de sa jeunesse, en revanche il possédait un trésor de souvenirs dont il n’était point avare, et qu’il racontait avec une véritable éloquence, puisée dans sa haine contre les Turcs et dans la satisfaction qu’il éprouvait à parler quelquefois de ses propres prouesses.

Une antique muraille qui datait des Vénitiens, un fossé large de sept pieds et comblé en plusieurs endroits par les décombres des remparts, quatorze vieux canons de fer, tels étaient les moyens de défense que les Grecs, suivis de près par Omer-Brionès, trouvèrent à Missolonghi. En entrant dans cette place le 21 octobre 1822, Mavrocordato avait avec lui vingt-cinq soldats, Botzaris trente-cinq, et lorsque les habitans en état de porter les armes se furent joints à eux, ils atteignirent le chiffre de trois cents. La plus grande partie de la population avait fui. Justement alarmés sur le résultat d’une

  1. Toute la côte du golfe de Corinthe opposée au Péloponèse porte le nom de Roumélie.
  2. Situé dans les montagnes du Péloponèse, à une journée du golfe de Corinthe.