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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/919

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III

On a vu que la vie s’était déjà répandue sur le globe il y a des milliers d’années ; mais, quelque développée qu’elle s’offre à nous depuis les périodes les plus reculées, il faut toujours qu’elle ait commencé. La constitution du noyau terrestre nous indique une époque où aucun être organisé n’a pu exister. Comment cette vie, qui circule pour ainsi dire dans toutes les parties du monde, a-t-elle pris naissance ? Comment est-elle arrivée à produire ces organismes complexes qu’on admire chez tant d’animaux ? C’est là sans contredit le plus redoutable et le plus difficile problème que soulève l’histoire de notre planète.

Si l’on voyait tous les jours apparaître de nouveaux êtres organisés, il faudrait admettre qu’il y a dans la nature une force vitale incessamment agissante qui crée de toutes pièces les êtres vivans, et que d’un certain concours des principes végétaux ou animaux naît fatalement une plante ou un animal. Il n’en est rien : nous voyons toujours la plante naître d’une graine, d’un corps reproducteur engendré par une autre plante, l’animal sortir d’un œuf pondu par un autre animal, ou conçu dans un appareil intérieur qui n’est réellement que l’œuf fixé au sein de l’organisme. La force vitale n’existe que là où elle a été transmise ; une chaîne non interrompue d’êtres doués de vie se la sont successivement communiquée.

Pour comprendre la création des plantes ou des animaux, il était donc naturel de supposer une intervention directe du Tout-Puissant, et telle est la solution du problème que nous donne la Bible, et qu’ont admise les théologiens. S’il n’y avait eu qu’une seule création, on pourrait sans trop de difficulté adopter cette hypothèse, et recourir au miracle pour une question qui dépasse notre intelligence ; mais l’étude des couches terrestres nous a montré que la nature avait été sans cesse en voie de formation pour les êtres vivans et les végétaux. À l’intérieur du même terrain, on trouve assez souvent un ensemble de coquilles d’espèces différentes, se succédant d’une couche à l’autre, sans qu’il y ait discordance de stratification sans même que rien indique une perturbation générale ou locale. Les alternances du règne animal sont beaucoup plus nombreuses que celles du règne végétal. Les mêmes espèces de végétaux fossiles persistent parfois dans toute l’étendue d’un terrain, tandis que se succèdent plusieurs systèmes de couches différentes sous le rapport zoologique. En présence de pareils faits, il faut bien admettre que, dans les temps anciens du moins, la nature ne cessait pas de créer, car du moment qu’on admet que la cause suprême a dû intervenir directement un grand nombre de fois, il n’y a pas lieu de supposer