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que des germes d’éléphant ou d’homme nous soient venus de la sorte, et ces germes, qui les a jamais vus ? Supposer que l’homme ou les mammifères soient sortis de toutes pièces d’une molécule, c’est au fond admettre un miracle aussi grand que la création instantanée des premiers animaux par la volonté divine.

D’autres naturalistes ne vont pas si loin chercher les causes qui ont donné naissance à la vie, et selon eux la matière inorganique ou organique a pu, dans certaines circonstances, se transformer en des êtres organisés et vivans. Ils ont produit en faveur de cette opinion des expériences dont l’exactitude a toujours été attaquée, et que parfois on a dû signaler à bon droit comme entièrement illusoires. Récemment un savant naturaliste de Rouen, M. Pouchet, a entrepris des expériences nouvelles dont les résultats sont certainement très spécieux. Après avoir fait bouillir de l’eau et l’avoir soustraite au contact de l’air, il l’a mise en rapport avec de l’oxygène pur et y a introduit une certaine quantité de foin qui avait été renfermé dans un flacon et chauffé pendant une demi-heure dans une étuve portée à plus de 100 degrés. L’infusion ainsi préparée fut convenablement, séquestrée, et au bout de quelques jours M. Pouchet vit s’y développer une quantité d’animalcules. Ces infusoires se montrèrent aussi après que le corps putrescible avait subi une température de 200 à 250 degrés, et même avait été partiellement ou totalement carbonisé. On ne saurait donc admettre, prétend M. Pouchet, que les animalcules que le foin pouvait déjà contenir, ou qui s’étaient introduits dans le flacon, aient résisté à une si forte chaleur, et les infusoires qui ont apparu devaient s’être formés de toutes pièces. Le naturaliste rouennais assure même qu’il a vu alors prendre naissance des animalcules nouveaux qu’il n’avait jamais rencontrés ailleurs. Les objections n’ont pas manqué à M. Pouchet. On lui a opposé la possibilité que les germes desséchés par une haute température aient pu ensuite être rappelés à la vie, et des expériences faites par M. Doyère prouvent en effet que cette révivification est très possible. On a dit que, l’air étant rempli de germes d’infusoires, ces germes microscopiques avaient dû naturellement pénétrer dans le flacon. M. Pouchet a examiné au microscope l’air circulant dans le laboratoire où il opérait, et il prétend n’y avoir pas trouvé de germes, n’avoir rien observé surtout de semblable à ce qu’il voyait au fond de sa bouteille.

La question en est encore là, et il ne nous appartient pas de la trancher. Avant de l’avoir résolue cependant, il est impossible de décider si l’apparition de la vie sur le globe a été un phénomène spontané. Sans doute ces animalcules, dont le mode de production demeure un problème, sont fort au-dessous des animaux des ordres supérieurs ; mais tout se lie dans la nature, et la séparation entre