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les cultures contre la violence des ouragans ; si enfin ils rendent aux contrées marécageuses une salubrité qui leur manque, il faut en conclure que le déboisement doit avoir pour l’agriculture les conséquences les plus funestes, puisqu’il suffit souvent à rendre certaines contrées tout à fait inhabitables, et que par suite un reboisement bien entendu en améliorerait sensiblement la situation économique. Déjà si grande à ce premier point de vue, l’importance agricole des forêts paraîtra plus sérieuse encore si l’on considère les produits matériels qu’elles fournissent. Les bois sont, comme le blé, les légumes, les fruits, une production de la terre. Spontanée dans l’origine, la végétation forestière ne saurait plus, dans les pays peuplés et civilisés comme le nôtre, être abandonnée à elle-même. Il faut en effet, pour que les bois donnent les produits les plus Considérables et les plus utiles, que la culture vienne en activer la croissance, en favoriser le développement. Si l’on veut en empêcher la dégradation, il faut combler par des repeuplemens artificiels les vides qu’y font chaque année les exploitations. La sylviculture, qui comprend l’ensemble des travaux destinés à accroître la production ligneuse, est donc une branche de l’agriculture, et une branche d’autant plus précieuse qu’elle contribue à la mise en rapport des terrains mêmes qui paraissent les moins propres à la végétation. Il n’est pas en effet, sauf le roc nu ou l’argile pure, de sol si aride ou si marécageux, si brûlant ou si froid, si meuble ou si compacte, qui ne puisse convenir à la culture de quelqu’une de nos essences forestières. L’aune, le saule, le bouleau, prospèrent dans les terrains les plus humides, le pin sylvestre dans les plus secs, le chêne dans les plus forts ; le mélèze se plaît sur les sommets neigeux des Alpes, et les pins maritimes sur les sables salés de l’Océan. Il n’est pour ainsi dire pas un coin de notre globe dont la sylviculture ne puisse tirer parti. La forêt de Fontainebleau, dont quelques cantons sont à si juste titre admirés des touristes, repose, pour plus des deux tiers de son étendue, sur un sable siliceux presque pur (environ 97 pour 100 de sable et 3 pour 100 d’argile) que le défrichement transformerait inévitablement en désert. Les arbres, par leur couvert et leurs détritus, empêchent l’évaporation de la pluie et en retardent l’infiltration en augmentant l’hygroscopicité du sol ; mais qu’ils viennent à disparaître, et l’eau, pompée par le soleil ou pénétrant, à travers ces sables sans consistance, jusque dans les couches inférieures, fera totalement défaut à une végétation devenue impossible.

Cette merveilleuse propriété qu’ont les forêts de pouvoir prospérer sur les terrains les plus maigres a souvent été mise à profit par l’agriculture pour amender et préparer le sol à recevoir des céréales. En Sologne, elles font partie de l’assolement de certains domaines