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ne sont point permises à des Italiens. Sans même invoquer la loyauté de la France, son intérêt et son expérience des affaires d’Italie la mettent à l’abri du soupçon d’une politique si peu sensée. La France ne peut pas songer à remplacer en Italie les abus de l’influence autrichienne par ceux de l’influence française. L’histoire de nos entreprises dans la péninsule nous a trop appris que notre intervention armée n’était pas plus sympathique aux Italiens que celle de l’Autriche, et ce que nous connaissons des dispositions des peuples et des gouvernemens étrangers nous avertit que l’occupation prolongée de l’Italie par nos troupes serait peut-être plus antipathique à l’Europe que ne l’ont été les longues usurpations autrichiennes. Le beau profit, si nous n’avions fait que relever l’Autriche dans ce triste rôle de gendarme de l’Italie, et cela encore pour replacer de nos propres mains les princes de la maison de Lorraine sur leurs trônes impopulaires ! En vérité, c’est nous croire trop naïfs. Que les Italiens s’épargnent donc cet injuste souci, et que les Autrichiens renoncent à cette illusion ridicule !

Nous le disons hautement, l’attitude des populations de l’Italie centrale nous inspire une confiance sérieuse. Nous sommes convaincus que leur sort est entre leurs mains : tout ce que nous avons vu de leur conduite nous autorise à penser qu’elles seront dignes de disposer de leurs destinées. Elles n’ont qu’à persévérer dans la fermeté, la modération et l’esprit d’union dont elles ont fait preuve. La conscience de l’Europe ne permettra pas qu’on leur fasse violence tant qu’elles sauront elles-mêmes se défendre des tentations désespérées de la violence. Le plus grand et le plus illustre des duchés, celui où la question de l’Italie centrale est appelée à se décider, la Toscane, présente à cet égard un admirable spectacle. Par la réunion de son assemblée constituante, cet intéressant pays entre dans une phase nouvelle. Les élections ont manifesté les vœux populaires avec une imposante unanimité. Les électeurs ont voté avec un empressement extraordinaire, et leurs choix se sont portés sur une élite d’hommes distingués, dont un grand nombre jouissent d’une considération méritée en France et en Angleterre. Tous les membres du gouvernement dirigé avec une décision si digne d’éloges par le baron Bettino Ricasoli ont été élus. Nous allons voir cette assemblée à l’œuvre. Son premier acte sera conforme au sentiment qui domine en ce moment la Toscane. Avant tout et par-dessus tout, la Toscane veut s’affranchir de l’influence autrichienne. Ce sentiment a été exprimé avec une rare autorité dans un mémoire qui vient d’être publié à Paris sous ce titre : La Toscane et ses Grands-Ducs autrichiens. Il était impossible de démontrer avec plus de force et de modération à la fois l’incompatibilité radicale qui sépare aujourd’hui la dynastie des archiducs de toutes les classes de la population toscane. Cet écrit émane sans doute de l’un de ces hommes distingués que le gouvernement de Florence a envoyés auprès de plusieurs grandes cours pour y plaider officieusement la cause de l’indépendance nationale. Il demeure évident, après la lecture de cet exposé lumineux, que la restauration des archiducs ne pourrait s’accomplir que par un acte de force attentatoire aux vœux des populations. Une considération saisissante, c’est que cette restauration imposée par une force étrangère serait impuissante à constituer dans le pays les élémens d’un gouvernement capable de protéger l’ordre. Aussi dans les duchés les restaurations sont-elles en quelque