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annexioniste si sincère qui anime l’Italie centrale. Il a feint de demander l’annexion de la Savoie à la France sous le prétexte que la Savoie supportait une part trop lourde des charges de la monarchie piémontaise. Une timide pétition a été colportée à ce propos et a réuni trente ou quarante signatures. La petite intrigue séparatiste que le parti clérical essaie d’ourdir en Savoie n’a pas même l’excuse d’être inspirée par une apparence de conviction. Le prétexte de la lourdeur des charges supportées par la Savoie n’est pas sérieux : la part des Savoisiens dans la répartition de l’impôt sarde est en moyenne de 25 francs par tête, et l’on veut les unir à une grande nation qui taxe ses citoyens à raison de 50 francs par tête ? Les intérêts du clergé savoisien ne sont pas plus compatibles avec l’annexion que ceux des contribuables. La Savoie, peuplée comme un département français, a un archevêque et trois évêques ; en devenant française, elle aurait à restreindre son luxe épiscopal. En fait de privilèges civils et politiques, le clergé savoisien aurait plus à perdre encore. Il possède l’état civil, que l’impie M. de Cavour n’a pas osé séculariser, et il devrait se conformer aux principes du concordat, que le pape excommunie en Piémont, mais dont il a consacré l’orthodoxie en France. Il n’y a donc rien de sincère dans cette espièglerie déplacée du parti clérical savoisien. Nous nous trompons, un sentiment sincère s’y mêle : c’est la haine dont le parti clérical poursuit dans le Piémont les institutions parlementaires et la liberté. C’est à cette haine que nous sommes redevables de la singulière et peu flatteuse tendresse que le parti clérical de Savoie témoigne à la France. Le gouvernement piémontais ne paraît pas en effet vouloir renoncer aux libertés qui ont fait sa force. Ainsi à Turin l’on travaille activement aujourd’hui à agrandir l’enceinte de la chambre des députés, qui devra désormais en effet contenir les représentans de la Lombardie. Actuellement le Piémont a 204 députés nommés par des circonscriptions électorales de vingt à vingt-cinq mille âmes. Nous croyons que le nouveau parlement, augmenté de la représentation de la Lombardie, sera composé de 260 membres, et que les collèges électoraux seront répartis par circonscriptions de 30 à 35 habitans. On presse les travaux de la chambre des députés, ce qui donne à penser que M. Ratazzi veut être prêt à convoquer le parlement au premier jour.

Du mouvement intérieur qui s’opère en Italie dépend en grande partie cet accord des puissances européennes qui est nécessaire à la consolidation de la paix, de même qu’un concert européen, se manifestant dans un congrès, pourrait beaucoup pour l’heureuse solution des graves difficultés qui compliquent encore la question italienne. Deux obstacles semblent s’opposer à la réunion d’un congrès : le mauvais vouloir de l’Autriche et les défiances de l’opinion anglaise. Il nous est difficile d’expliquer les répugnances de l’Autriche à ce sujet par des raisons vraiment politiques. Les congrès avaient été jusqu’à présent le théâtre de prédilection de la diplomatie autrichienne, et aucun gouvernement n’avait semblé attacher un si grand prix à obtenir pour le règlement des affaires générales de l’Europe des décisions arrêtées collectivement par les grandes puissances. En outre, un des plus pressans intérêts de l’Autriche, c’est de prendre promptement son parti de la fin de son ancienne politique en Italie. D’excellens esprits, et qui ne sont animés vis-à-vis de cette puissance d’aucun de ces sentimens haineux qui