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rin Yeh, et s’unit à l’Angleterre pour obtenir satisfaction par les armes. La Russie, que représente le comte Poutiatine, soutient les réclamations des deux puissances, sans toutefois aller au-delà d’une intervention officieuse, sauf à partager plus tard les bénéfices de la victoire. Enfin les États-Unis cherchent à tirer parti pour leur commerce de cet imbroglio chinois, et demeurent quelque peu suspects à tous leurs voisins. Le moment est donc venu où le délégué du Times peut renaître à la correspondance politico-militaire. Les escadres partent pour Canton. M. Cooke les rejoint à toute vapeur, pour se livrer à la rédaction de ses bulletins. Après avoir jeté un coup d’œil sur la disposition des escadres et sur les préparatifs d’une seconde attaque contre Canton, il songe à débarquer et à prendre gîte à terre dans les environs du quartier-général, c’est-à-dire à portée des nouvelles et de la poste. Les Anglais ont occupé l’île d’Honan, qui s’étend en face même de Canton. C’est là que M. Cooke cherche un asile. Une commission est déjà installée, sous la présidence d’un colonel, pour établir un semblant d’ordre au milieu de cette population d’Anglais et de Chinois, de propriétaires, de boutiquiers et d’envahisseurs, qui sont là pêle-mêle, se heurtant, se disputant, invoquant la police, et le plus souvent appliquant le droit du plus fort. Le tribunal improvisé où siège le colonel est encombré de solliciteurs et de plaignans. Un pauvre vieux Chinois réclame piteusement contre une bande de matelots qui lui a volé et dévoré toute sa boutique de comestibles. Un autre a vu enlever de ses magasins les balles de coton sur lesquelles s’étendent moelleusement les soldats anglais. En voici un autre encore chassé violemment de son domicile, qui a excité les convoitises d’une patrouille ! Chaque cause est entendue et jugée sur l’heure. M. Cooke assiste à ces brusques référés ; son tour arrive enfin, et quand il a exposé son affaire, on lui délivre un billet de logement dans une maison assez propre, d’où il pourra surveiller les actes de l’armée alliée, ainsi que les manœuvres des mandarins. Le lendemain 20 décembre est un dimanche, jour de repos, même sous les murs de Canton : on célèbre l’office divin dans un magasin de thés ; un chœur de sous-officiers chante les psaumes, à la grande édification du voyageur, qui se croit un moment transporté sous les voûtes de Saint-Paul.

Tout se prépare pour l’action. Les commandans des forces alliées ont fixé au mandarin Yeh un délai passé lequel, si Canton ne se rend pas, on commencera l’attaque. Dès le 26 décembre, l’amiral Seymour a publié ses ordres généraux, qui assignent les postes que devront occuper les navires et les troupes de débarquement. M. Cooke, qui reproduit tout au long ce programme, regrette de ne pouvoir en faire autant pour la disposition de l’escadre et des troupes alliées. « Les Français, dit-il, ont pour ce genre de publi-