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DE
LA PHILOSOPHIE
DE L’HISTOIRE CONTEMPORAINE

Mémoires pour servir à l’Histoire de mon Temps, par M. Guizot; t. I et II, 1858-1859.



C’est presque une obligation pour l’homme qui a tenu dans sa main les grandes affaires de son pays, de rendre compte à la postérité des principes qui ont dirigé ses actes et de l’ensemble de vues qu’il a porté dans le gouvernement. Peu d’hommes d’état y ont manqué, et il n’est pas de plus précieux documens pour l’histoire que ces espèces de confessions où les acteurs eux-mêmes viennent raconter devant un public plus calme et plus désintéressé les faits dont le vrai caractère a pu échapper d’abord dans le feu de la passion. L’éminent écrivain qui a montré de nos jours avec tant d’éclat la science et le talent appliqués à la direction des choses humaines pouvait moins qu’un autre se soustraire à ce devoir; mais, en l’acceptant, M. Guizot a dérogé sur un point essentiel à l’exemple de ses illustres devanciers. D’ordinaire c’est après la mort de l’auteur, ou du moins quand il a clairement avoué que sa carrière publique est finie, que de tels écrits se produisent. On croit écarter ainsi la plupart des motifs qui faussent le jugement sur l’histoire contemporaine, et, en rendant l’impartialité au lecteur plus facile, rendre la franchise au narrateur plus aisée. Cette fois au contraire c’est au milieu d’une activité toute virile que l’homme d’état dont le tour d’esprit et le caractère ont eu l’influence la plus décisive sur son