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ser par suite de l’érosion constante à laquelle le Saint-Clair, le Niagara et le Saint-Laurent soumettent les rochers qui leur servent de lit. Les fleuves cherchent toujours à égaliser leur pente depuis la source jusqu’à l’embouchure ; là où un banc de rochers interrompt leur cours et ralentit leur vitesse, ils rongent la pierre et la creusent, ils l’emportent grain de sable à grain de sable, finissent à la longue par la scier en deux, et descendent vers la mer par un mouvement égal, au lieu d’être entraînés de cataracte en cataracte. La chute du Niagara est un exemple magnifique de cet assèchement graduel des lacs par l’érosion des rochers. La falaise du haut de laquelle le fleuve se précipite se compose de couches légèrement inclinées vers le lac Erié et redressées vers la cataracte. Celle-ci ronge graduellement le rebord de ces couches de rochers, et à mesure que la hauteur en diminue, le niveau de l’eau baisse en proportion dans le lac Erié. On a même essayé de calculer approximativement combien de siècles il faudrait pour assécher complètement ce vaste bassin. Les données que l’on possède n’embrassent pas tous les faits géologiques ; il est sûr toutefois que, dans une période assez rapprochée de nous, le lac Érié sera transformé en un simple prolongement de la rivière Saint-Clair. La profondeur moyenne de cette nappe d’eau est de 22 mètres seulement, et pendant que la cataracte du Niagara ronge les rochers qui forment la paroi inférieure de son bassin, les alluvions empiètent continuellement dans la partie supérieure du lac et peu à peu la comblent de vase.

Quelle que soit l’importance de ces deux causes réunies, le soulèvement du sol et l’érosion des rochers par les rapides et les cataractes, il est très probable qu’une troisième cause, encore plus importante dans ses résultats, agit sur la baisse des eaux dans les grands lacs nord-américains : cette cause est la diminution des pluies. En effet, qu’une chaîne de montagnes ou un vaste plateau s’interpose entre une mer d’évaporation et le bassin de précipitation vers lequel se dirigent les vapeurs de cette mer, il est évident que les crêtes des montagnes arrêteront les nuages dans leur course et en exprimeront une grande quantité d’eau avant de leur laisser continuer leur voyage. Tel est le fait qui se présente pour l’Amérique du Nord. Dans la région des calmes équatoriaux, d’innombrables nuages s’élèvent incessamment de l’Océan-Pacifique, et, poussés par le contre-courant supérieur des vents alises du nord-est, vont se heurter contre le vaste plateau d’Utah et la double chaîne des Rocheuses et de la Sierra-Nevada. Là, ils abandonnent le trop-plein de leur humidité, et quand ils viennent s’abattre en orages sur les plaines du Mississipi, une grande partie de leur masse s’est déjà fondue. Or ces chaînes de montagnes ont été soulevées à une époque géologique comparativement récente, et les mouvemens vol-