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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/291

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l’on a grande peine à obtenir quelques renseignemens sur les chemins de fer du Tenessee, l’état dans lequel est située Memphis, Ce fait seul indique combien les états libres sont plus entreprenans que les états à esclaves et entendent mieux leurs intérêts.

L’Arkansas et la Rivière-Blanche ont géologiquement une embouchure commune, bien qu’aujourd’hui les branches principales de chacun de ces affluens se déversent dans le Mississipi à une vingtaine de kilomètres l’une de l’autre. Les deux rivières et le fleuve lui-même sont unis par un réseau d’innombrables bayous[1] qui changent à chaque inondation de cours et de profondeur, et se jettent alternativement dans l’un ou l’autre des trois courans, selon la hauteur respective des crues. Quand le Mississipi est très élevé, il dégorge le surplus de ses eaux dans le système des bayous, et ceux-ci à leur tour se vident dans l’Arkansas et dans la Rivière-Blanche. Pendant la saison des eaux basses au contraire, alors que l’eau versée par le Mississipi dans les marécages de la région d’effondrement a eu le temps de se traîner de lagune en lagune jusque dans la Rivière-Blanche, celle-ci se charge à son tour d’alimenter le réseau de bayous qui l’unit au Mississipi et à l’Arkansas. Quand il a beaucoup plu dans les prairies de l’ouest, et que l’Arkansas s’est enflé plus que de coutume, alors la pression de ses eaux refoule dans les bayous celles du Mississipi, et pour un temps il s’empare du delta commun. C’est la partie de son cours où le Mississipi présente le mieux tous ces phénomènes d’engorgement qui se reproduisent sur les bords de l’Amazone d’une manière beaucoup plus grandiose. A l’embouchure du Japura surtout, l’Amazone forme avec cet affluent un réseau inextricable de bayous et de fausses rivières[2] qui semblent couler indifféremment dans l’un ou l’autre sens, et, sur un espace de plusieurs milliers de kilomètres carrés, promènent le superflu de leurs eaux de marécage en marécage à travers les forêts vierges. Ces systèmes de bayous, caños ou furos, comme on les appelle dans l’Amérique du Sud, ressemblent à ces engorgemens où l’abondance du sang se forme un réseau de fausses artères et de fausses veines.

L’Arkansas est une rivière beaucoup moins importante qu’on ne le croirait en voyant son tracé sur la carte. Bien qu’elle ait 3,500 kilomètres de long, depuis sa source dans les Montagnes-Rocheuses

  1. Les bayous sont des canaux remplis d’une eau croupissante qui coule tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Ce terme n’est pas dérivé du mot français boyau, comme on le répète souvent en Louisiane; il est plutôt un diminutif de baie. En effet, c’est par les nombreuses baies qui frangent le delta mississipien que les Français ont d’abord pénétré dans l’intérieur et reconnu le réseau des petites baies, bayons ou bayous, qui coupent la plaine dans tous les sens.
  2. Les fausses rivières sont d’anciens lits abandonnés par le courant d’un fleuve ou d’une rivière et transformés en lacs d’eau dormante.