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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/293

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connaît encore dans l’Arkansas qu’une grossière agriculture, et d’autre travail que celui des esclaves.

Les colons de l’Arkansas portent la sauvagerie des mœurs plus loin que tous les autres pionniers de l’ouest. Jamais un habitant de cet état ne sort sans porter à la ceinture un poignard, un revolver ou le terrible bowie-knife, terrible lame de la longueur d’un pied, rappelant par sa forme les couteaux de boucher. « Il vaut mieux aller en enfer sans griffes, dit le proverbe, que dans l’Arkansas sans armes. » Dans une conversation grossière et avinée, l’insulte est prompte à jaillir des lèvres, et non moins prompt le couteau à sortir de sa gaîne et à fendre quelque poitrine. Aussi, malgré sa faible population relative, l’Arkansas fournit une notable proportion de crimes à la presse périodique des États-Unis, si avide de drames de ce genre. Que de fois des nègres criminels y ont été brûlés vifs, aux cris furieux de milliers d’hommes accourus pour jouir de la vue du supplice ! Il va sans dire aussi que l’ignorance est générale dans l’Arkansas ; les écoles y sont très clair-semées, et on n’y connaît guère en fait de livres que d’affreux petits opuscules souillés d’eau-de-vie : dans le relevé des bibliothèques publié en 1856 par le gouvernement des États-Unis, l’état de l’Arkansas ne figure que pour un total de deux mille volumes. Maintes superstitions, qu’on ne trouve en Europe que chez les hommes les plus dégradés, ont encore libre cours dans ce pays, et la populace ameutée y a parfois brisé les télégraphes électriques, pour empêcher les fils d’attirer l’ouragan. La capitale de l’Arkansas est le petit village de Little-Rock, situé, comme son nom l’indique, sur une falaise de médiocre élévation, et choisie uniquement à cause de sa position au centre de l’état. Napoléon, bâtie sur la rive droite de l’Arkansas, à son embouchure dans le Mississipi, est la ville principale de la contrée. C’est par là que sont exportés tous les produits de l’intérieur, coton, maïs, peaux de buffle, et qu’on expédie aux habitans de l’état presque tous les produits manufacturés dont ils ont besoin. Avec ses coupoles en bois, ses maisons peintes, la puissante végétation qui l’entoure, et son horizon de forêts sombres. Napoléon présente un aspect très pittoresque.

En aval de l’embouchure de l’Arkansas, et surtout de celle du Yazoo, la profondeur du Mississipi cesse d’augmenter. Des chutes de Saint-Antoine au confluent du Missouri, le minimum d’eau est de 1 mètre 30 centimètres dans le chenal ; du confluent du Missouri à celui de l’Ohio, le minimum est de 2 mètres ; de l’Ohio à l’Arkansas, il est d’au moins 3 mètres, mais la profondeur moyenne est beaucoup plus considérable. En aval du Yazoo, il n’y a plus de barres jusqu’à celle de l’embouchure dans le golfe du Mexique, et la