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tion ou le dédommagement sur les parties belligérantes, on la prend sur le voisin. Ainsi, au traité de Westphalie, les dédommagemens se prirent sur les états ecclésiastiques de l’Allemagne, qui furent sécularisés. Ainsi, dans les traités de paix du XVIIIe siècle que nous venons de voir, quand la diplomatie, pour restreindre la prépondérance de l’Autriche en Italie, essayait d’y faire rentrer la maison de Bourbon, les dédommagemens se prenaient sur Parme et Plaisance d’une part, sur la Toscane de l’autre, c’est-à-dire sur la maison de Farnèse et sur la maison de Médicis, qui allaient s’éteindre, et dont les héritages étaient distribués avant la mort même des possesseurs. Ainsi le dédommagement du roi de Sardaigne, défenseur accidentel du Milanais autrichien, se prenait sur la république de Gènes, trop faible pour se défendre contre la Sardaigne et l’Autriche réunies. Ces réflexions historiques amèneront peut-être le lecteur à se demander où se prendront les dédommagemens dans la guerre actuelle, si l’Europe, voulant exclure l’Autriche de l’Italie septentrionale, ne veut cependant pas la laisser sans dédommagemens. Je ne veux pas, quant à moi, faire d’almanachs; je dirai seulement que, si j’étais le grand Turc, je m’inquiéterais fort de cette question des dédommagemens futurs.

Contre la Sardaigne et l’Autriche réunies pour exclure l’Espagne du Milanais, quitte à se disputer ensuite cette province, la France et l’Espagne, c’est-à-dire les deux branches de la maison de Bourbon, s’allièrent en Italie, et une armée française et espagnole, sous le commandement du prince de Conti, entra en Piémont et prit Nice et Villefranche. Bientôt Gènes, qui se plaignait qu’on lui enlevât le marquisat de Final, s’unit à la France et à l’Espagne. Milan tomba au pouvoir des alliés, et l’infant don Philippe y fit son entrée. Les succès de la France et de l’Espagne firent réfléchir le roi de Sardaigne; il commençait déjà même à traiter avec la France; il allait partager le Milanais avec l’infant don Philippe, au lieu de le défendre pour l’Autriche. L’Espagne ou plutôt la reine Elisabeth Farnèse hésita, voulant avoir le Milanais tout entier. Pendant ce temps-là, la fortune de la guerre changea; les Autrichiens reprirent la supériorité en Italie, ils s’emparèrent même de Gênes, et le roi de Sardaigne, changeant avec le sort des armes, redevint l’allié fidèle de l’Autriche. La glorieuse insurrection du 5 décembre 1746 arracha Gênes aux Autrichiens, et les succès de la France en 1747 dans les Pays-Bas décidèrent la paix. Un congrès s’assembla à Aix-la-Chapelle. La France rendit toutes ses conquêtes, les Pays-Bas, Berg-op-Zoom et Maëstricht, la Savoie et le comté de Nice. En considération des restitutions faites par la France, les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla sont cédés à l’infant don Philippe. Ainsi