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au nord et au midi, à Milan et à Naples, de telle sorte que l’Autriche put espérer qu’avec le temps le reste de l’Italie, cédant à la force ou à l’intérêt, subirait son joug. Prenez au contraire la guerre de 1733 : elle est commencée avec le dessein hautement annoncé de restreindre en Italie la prépondérance de l’Autriche, et comme elle est courte, puisqu’elle finit au bout de deux ans, en 1735, la guerre n’a pas le temps de faire oublier la politique. La paix de 1735, et plus tard de 1738, attribue l’Italie méridionale à la maison de Bourbon, rétablit l’équilibre italien par le contre-poids d’une dynastie nouvelle devenue italienne, et au traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748, cette politique, aussi italienne qu’elle pouvait l’être alors, prévaut de nouveau. Le contre-poids n’est plus seulement, comme en 1738, entre l’Italie méridionale et l’Italie septentrionale : il est dans l’Italie septentrionale elle-même, entre Milan et Parme, puisque Parme est assigné à la maison espagnole de Bourbon. Voilà pour l’Italie la différence entre les guerres longues et les guerres courtes : elle perd aux unes et gagne aux autres. Au XIXe siècle, en 1814, après les longues guerres de l’empire, le traité de Vienne a fait comme le traité d’Utrecht en 1713 : il a sacrifié aussi l’Italie, et y a établi la prépondérance exclusive de l’Autriche.

3° L’Italie n’a jamais rien gagné que lorsque la France est intervenue dans sa destinée, d’accord avec l’Angleterre.

Ce n’est pas seulement la guerre de 1733, c’est toute l’histoire diplomatique du XVIIIe siècle depuis le traité d’Utrecht qui vient à l’appui de cette conclusion. Depuis les traités de triple et quadruple alliance, la France et l’Angleterre unies s’emploient avec zèle et avec succès à rétablir l’équilibre italien, et lors même qu’elles ne sont pas unies par les armes dans l’accomplissement de ce dessein, comme dans la guerre de 1733, la France ne prend les armes, pour ainsi dire, que sous la garantie de la neutralité de l’Angleterre. C’est cette neutralité, changée bientôt en médiation, qui amène la paix de 1738, quoique le premier traité de 1735 se fasse directement entre la France et l’Autriche. C’est grâce à cet accord de la France et de l’Angleterre que l’Italie n’est plus sacrifiée à l’Autriche, mais s’achemine à l’indépendance par le rétablissement de l’équilibre italien. Pendant la guerre de la succession, la lutte entre la France et l’Angleterre a montré d’où venaient les malheurs de l’Italie. Pendant la première moitié du XVIIIe siècle, l’alliance de la France et de l’Angleterre a montré d’où pouvait venir à l’Italie l’espérance de sa régénération nationale.


SAINT-MARC GIRARDIN.