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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/439

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peau, envahie par le tatouage, était entièrement bleue. Comme tous ses sujets, il était nu, à l’exception d’une ceinture d’étoffe indigène roulée en corde. Par l’intermédiaire de M. François de Paule, la prise de possession et le débarquement des troupes furent fixés au 1er mai. Cet arrangement pris, on nous permit de communiquer avec la terre.

vers le milieu de la baie, une montagne s’avance dans la mer et sépare deux anses. Celle de droite, la plus considérable, où résidait le roi Iotété, se nomme Vaïtahu : Hiha, parent du roi, habitait l’autre. L’anse de Vaïtahu ne présentait aucun point où l’on pût débarquer commodément. Sur la plage, qui en occupait le milieu, de hautes lames recourbaient leurs volutes et déferlaient au loin, tourmentant avec fracas les galets; il eût suffi d’une manœuvre maladroite pour exposer les embarcations à être submergées et roulées. Les deux extrémités de l’anse, hérissées de roches inégales contre lesquelles le flot heurtait nos canots avec force dans ses brusques mouvemens d’ascension et de retraite, n’offraient pas un plus facile accès. Ce fut pourtant aux rochers de la côte sud, près d’un petit gouffre où la mer s’enfonçait en mugissant, que plus tard, instruits par l’expérience, nous accostâmes sans trop de difficultés. Une douzaine d’insulaires, des hommes et des enfans, vinrent aussitôt à nous. Tous étaient nus, sauf une ceinture qui leur ceignait les reins et laissait pendre ses extrémités par devant et par derrière. On aurait pourtant pu considérer comme vêtus ceux que les élégantes figures du tatouage couvraient en entier; mais cet indélébile ornement laissait sur l’épiderme du plus grand nombre bien des lacunes. Les visages seuls étaient traversés par des bandes bleues parallèles, larges de trois doigts, qui passaient, l’une sur les yeux, l’autre sur la bouche, sans préjudice de lignes plus capricieuses, plus fines, de dessins plus ingénieux, placés parfois dans l’intervalle. Chez les enfans, des bandes inégales, interrompues, comme un trait de plume où l’encre aurait manqué, d’une teinte plus ou moins foncée, indiquaient la marche lente d’une ornementation si douloureuse, que l’existence de celui qui la possède suffit à peine à la compléter. Les chevelures, nouées à la base sur le sinciput, s’épanouissaient en gerbes au-dessus de la ligature, ou, plus communément encore, séparées par une raie prolongée jusqu’au cou, se tordaient en cornes de chaque côté du crâne. Les enfans seuls laissaient leurs cheveux flotter à l’aventure. Toute la bande joyeuse, bruyante, nous serrait les mains, riait à belles dents sous l’indigo, et répétait à l’envi les formules usitées de sympathie et de cordial accueil. Ils nous conduisirent ainsi, babillant, gesticulant, jusqu’au milieu de la plage, où se dressaient sur des socles de galets