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solidait la paix entre les Taïoas et les Teïs, mais Taheïaoco, de la tribu des Vaïs, ayant adopté le fils d’un grand chef de cette tribu, devait jouir des droits de son pupille pendant plusieurs années encore. Son retour près de Te-Moana rendait donc toute guerre impossible entre les Vaïs et les Teïs, et nous assurait le temps et la tranquillité nécessaires pour achever nos travaux et pour accoutumer ces peuplades à notre domination et à nos mœurs.

La Reine-Blanche put ainsi mettre à la voile pour retourner à Tahuata, et nous partîmes vers le milieu du mois d’août.


VI.

L’arrivée des corvettes la Triomphante et l’Embuscade à Vaïtahu, le débarquement des artilleurs et de la 16e compagnie d’infanterie de marine, l’aide donnée à la garnison successivement par les canots et les corvées des deux navires que l’on employait à des courses dans les baies voisines, d’où l’on rapportait ce qu’on y pouvait trouver d’utile (bois de construction, feuilles pour couvrir les cases, chaux pour les travaux de maçonnerie), tout ce surcroît de ressources semblait avoir modifié gravement les dispositions et la pensée de Iotété à l’égard des Français. Spontanément, il s’était rendu au port, et, arrachant à son amour-propre un aveu pénible, il avait déclaré au commandant Halley que désormais il le tenait pour un chef supérieur à lui. A compter de ce jour aussi, ses relations avec l’établissement devinrent de plus en plus rares. Bientôt même son départ pour une demeure située au fond de la vallée fut le signal d’une émigration des habitans de la baie. Dans chaque entrevue postérieure, le mauvais vouloir du roi et sa mauvaise humeur se prononcèrent plus vivement. Bien qu’on lui payât scrupuleusement au prix qu’il fixait lui-même les bois de construction, les rameaux de toiture et les vivres dont le camp avait besoin, au lieu de se montrer, comme par le passé, enchanté d’une bonne affaire, il se contentait de répondre à toute nouvelle demande que son consentement était inutile, que les Français étaient les maîtres, et que le véritable roi se nommait Halley et non plus Iotété.

Telle était la situation au 20 août, quand la Reine-Blanche reparut devant Tahuata. Après avoir pris connaissance de tout ce qui s’était passé, l’amiral reprocha à Iotété de ne pas se conduire en ami, comme il avait promis de le faire, et le pressa vivement de redescendre dans la baie et d’y ramener son peuple. Le roi répondit qu’il ne cessait en rien d’être notre ami, qu’il engageait chaque jour ses sujets à retourner au rivage, mais que, pour lui-même, son état de santé lui défendait de quitter la montagne. L’amiral répliqua que l’autorité du roi était trop bien établie pour que les canaques refu-