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née par la France au roi de Sardaigne. L’Autriche conserve la Vénétie ; mais la Vénétie fait partie intégrante de la confédération. Avons-nous le droit, sur l’indication de ces simples élémens, de porter un jugement politique sur la paix de Villafranca ? Nous n’oserions le dire. Pour apprécier toute la portée de l’arrangement convenu entre les deux empereurs, il faudrait connaître le règlement organique qui doit être adapté aux bases qui nous sont sommairement annoncées. Il est évident par exemple que les principes d’après lesquels sera rédigé le pacte fédéral italien donneront au nouvel arrangement sa véritable signification politique, et qu’il n’est guère possible par conséquent d’émettre un jugement précis avant que les dispositions du pacte fédéral de l’Italie n’aient été arrêtées. Nous ne connaissons que les termes généraux de la paix militaire, nous ignorons quelques-unes des conditions essentielles de la paix politique qui sera la conséquence de la paix militaire ; mais, cette réserve posée, nous ne pensons point qu’il y ait de l’indiscrétion à essayer de pressentir l’esprit de la paix politique d’après les données élémentaires que nous possédons. Il est permis, croyons-nous, de rechercher, à la lueur des conjectures plausibles, les causes qui ont pu déterminer un arrangement que le public en général n’attendait pas si tôt. Il est permis de confronter les conditions de la paix avec les causes et l’objet de la guerre. Il est permis d’examiner quelles peuvent être les conséquences probables de cette paix, d’abord au sein de l’Italie et ensuite en Europe. C’est du moins ce que nous allons tenter, sans nous dissimuler les chances d’erreur que nous allons courir dans nos appréciations hypothétiques ; mais qui peut aujourd’hui se croire à l’abri de telles erreurs ? Les plus hauts et les plus grands en sont réduits à faire de la politique conjecturale. Le ministre des affaires étrangères d’un grand pays, lord John Russell, ne croyait-il pas, au moment où la paix se signait, que l’armistice n’était qu’un fait militaire ? Quand ceux même qui sont à la source des informations sont si peu instruits ou si peu clairvoyans, l’on peut, ce nous semble, s’ixposer sans confusion au péril de se tromper.

Les motifs qui ont rendu traitable l’empereur François-Joseph sont les plus apparens. Ses échecs avaient été aussi terribles que prompts. Il avait été obligé d’évacuer la Lombardie, et ne pouvait raisonnablement conserver aucune pensée de retour dans cette province, dont la possession était si ruineuse pour l’Autriche. Placé avec son armée sur les forteresses du Mincio et de l’Adige, il était réduit, avec des troupes décimées et démoralisées, ù soutenir une défensive désespérée. L’escadre française allait attaquer Venise ; des troupes françaises allaient débarquer dans la Vénétie, et une fois nos armes engagées dans cette partie de l’Italie, ce devenait pour nous une question d’honneur de l’enlever à l’Autriche et de la rendre à l’indépendance. Quelles étaient d’ailleurs les ressources de l’empereur François-Joseph pour continuer une lutte dont le résultat fatal était écrit d’avance ? Soit à l’intérieur, soit au deJiors de l’empire, l’empereur François-Joseph ne pouvait obtenir de nouvelles ressources défensives qu’au prix de sacrifices douloureux pour sa fierté. À l’intérieur, son autorité était peut-être déjà menacée en Hongrie, et pour demander à ses peuples de nouveaux efforts, il eût été obligé de renoncer à un système de gouvernement qui a excité