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qui, par la forme même, allait au cœur d’un pays accoutumé aux dilapidations ruineuses. Le nouveau roi affectait de se distinguer des princes auxquels il succédait. Il visitait les provinces, cherchant à étendre sa popularité, opposant sa simplicité au faste prodigue de son père, se logeant presque toujours dans les maisons des ordres mendians, s’informant de tous les besoins, recueillant sur son chemin toutes les plaintes et toutes les réclamations. D’un voyage rapide de six jours, il rapporta six mille pétitions. La Sicile elle-même était flattée dans ses espérances. Le roi lui envoyait comme gouverneur un de ses frères, le comte de Syracuse, et il déclarait hautement dans ses premières proclamations qu’il guérirait « les plaies faites par son père et son aïeul. » Ainsi s’ouvrait le règne.

À voir ce prince qui semblait flatter l’esprit national dans l’armée, qui parlait au pays de sa misère, de ses besoins et de tous ses griefs légitimes, qui publiait des amnisties, bien que timides, livrait aux sévérités de la nation elle-même la politique de son père et de son aïeul, et s’alliait bientôt avec une princesse de la maison de Savoie, fille du roi Victor-Emmanuel Ier, comme pour offrir à l’esprit italien des perspectives nouvelles, quoique indistinctes ; à voir, dis-je, ce prince commencer ainsi, on crut presque à un règne libéral. Le pays fut satisfait, l’armée se rallia, le parti constitutionnel, sans cesser de pousser plus loin ses espérances, attendit, à demi désarmé et plus confiant, et c’est ainsi que Naples traversait sans secousse cette commotion de 1831 qui ébranla l’Italie. C’était la lune de miel du nouveau règne. L’effet fut plus grand encore en Europe ; il fut d’autant plus grand que cette transformation apparente de la politique napolitaine coïncidait avec l’explosion des idées libérales en France et avec la recrudescence de soupçons et de craintes que l’état du continent devait inspirer aux puissances du Nord. La cour de Vienne se demandait, non sans une certaine inquiétude, où tendait ce prince inexpérimenté qui semblait aspirer à se passer des soldats de l’Autriche, qui avait l’air de vouloir mettre la main à des réformes intérieures, et elle communiquait ses impressions au vieux roi de Prusse, si bien que Ferdinand II, ce roi qu’on a vu et qu’on a connu, se crut obligé d’envoyer un ministre en Allemagne pour rassurer la cour de Berlin. Ce fut le marquis d’Antonini, depuis et aujourd’hui encore ambassadeur à Paris, qui fut chargé de cette mission de confiance. La vérité est que le vieux roi de Prusse avait tort de s’inquiéter, et que, sans manquer absolument de franchise, en étant sincère dans ce qu’il faisait, le jeune souverain napolitain laissait du moins à deviner une partie de son secret.