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pression habilement dirigée de l’opinion devait sortir le régime constitutionnel, par l’initiative plus ou moins spontanée du roi.

L’œuvre était déjà fort avancée, on touchait presque au dénoûment ; une manifestation décisive se préparait, lorsque pendant la nuit M. Intonti lui-même était subitement frappé comme d’un coup de foudre. Il était pris dans sa maison, destitué au nom du roi, expédié avec une escorte militaire vers la frontière, avec l’ordre de se rendre à Vienne. Il se réveillait dans l’exil de son rêve de libéralisme. C’était, à ce qu’on a assuré, le général Filangieri qui avait révélé au roi le secret de M. Intonti, et le bannissement de M. Intonti était moins significatif encore que le choix de son successeur : le nouveau ministre de la police fut le marquis Saverio Delcarretto, qui était déjà connu par l’excès de son zèle, et qui est devenu depuis une des personnifications du régime napolitain. Le marquis Delcarretto avait été autrefois affilié au carbonarisme, et, en vrai carbonaro repentant, il s’était fait le plus fougueux instrument de la réaction. C’est lui qui en 1827 avait été chargé de réprimer l’insurrection du Cilento, et il s’était montré sans pitié, semant la terreur, brûlant un village tout entier, et élevant sur les débris une colonne commémorative de cette exécution sanglante par le fer et le feu. Il avait été fait inspecteur-général de la gendarmerie du royaume. C’était du reste un homme d’un extérieur séduisant, de formes distinguées, de goûts mondains, ne dédaignant nullement les succès de société, mais sans scrupules, et prêt à tout pour mériter la faveur et s’affermir auprès du roi. Ce fut là l’homme du choix du prince, et l’élévation du marquis Delcarretto était assurément une tout autre chose qu’une promesse libérale.

Un événement tout privé ne fut point sans importance, du moins comme symptôme, dans ces obscures évolutions des premiers temps du règne de Ferdinand II. Le roi, je l’ai dit, s’était marié avec une princesse de Savoie. La reine s’était fait aimer à Naples. Elle mourut bientôt après avoir mis au monde un enfant qui est le souverain actuel, François II, et laissant dans l’imagination du peuple le souvenir d’une sainte. Une sorte de superstition est restée attachée à la mémoire de cette princesse. Le roi, demeuré veuf à vingt-six ans, songeait presque aussitôt à une autre alliance, et cette fois il se tournait vers l’Autriche pour lui demander une archiduchesse. Or, depuis la reine Caroline d’Autriche, l’amie passionnée d’Acton et de la belle lady Hamilton, Emma Lionna, les archiduchesses étaient peu populaires à Naples. Le nouveau mariage du roi apparaissait comme la sanction d’une politique définitivement fixée dans l’absolutisme.

On aurait eu moins d’illusions ou moins d’incertitude sur la