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III

Le royaume des Deux-Siciles, je le disais, est sorti des révolutions du commencement de ce siècle avec un organisme civil et administratif qui contient tous les germes d’un régime régulier et favorable. À n’observer que la surface, Naples est un pays avancé en Italie et presque même en Europe. Les institutions administratives rappellent en tout les institutions françaises. L’organisation est la même. Les intendances et les sous-intendances sont nos préfectures et nos sous-préfectures, et les syndics sont nos maires. Aux degrés divers de la hiérarchie, il y a des conseils locaux, des conseils de provinces, et au sommet une consulte distincte du conseil d’état, placée auprès du gouvernement. L’ordre judiciaire se compose aussi de nos magistratures françaises depuis la cour de cassation jusqu’aux justices de paix. Les lois civiles reflètent un esprit de progrès tout moderne. Naples a même résolu pour sa part cet épineux problème du mariage au double point de vue religieux et civil, qui a été jusqu’ici recueil du régime constitutionnel piémontais. Les lois criminelles sont habilement coordonnées, humaines dans leurs prescriptions, simples et précises. Seulement à Naples ce ne sont pas les institutions et les lois qui dominent les hommes, ce sont les passions et les intérêts des hommes qui dominent les lois, et de cet ensemble organique, qui fait au royaume des Deux-Siciles un extérieur presque magnifique, que reste-t-il dans la pratique ? Rien ou peu de chose.

De cette consulte qui aurait pu devenir, sinon une représentation des intérêts généraux du pays, du moins un foyer de lumières et d’élaborations fécondes, il est resté un ressort inutile, fonctionnant dans le vide, une petite nécropole administrative où le gouvernement ensevelit ses créatures les plus compromises. Les conseils provinciaux auraient pu aussi avoir une action utile et heureuse par l’expression des vœux des populations, par la manifestation de tous leurs besoins ; mais ces corps, composés par le pouvoir lui-même, périodiquement épurés, surveillés presque comme un élément révolutionnaire, sont dénaturés dans leur essence. L’expression de leurs vœux n’a jamais servi à rien, et plus d’une fois les sommes qu’ils se sont permis de voter pour des travaux d’utilité provinciale ont été détournées de leur destination par l’arbitraire administratif. La procédure napolitaine est simple et protectrice, je le veux ; elle garantit théoriquement la liberté individuelle et sauvegarde par ses formes tous les droits de défense ; seulement, à côté de la justice qui