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inclinations et par les inspirations de sa politique, il ne l’était pas par la subordination. Une des premières causes de la faveur du marquis Delcarretto fut son habileté à déconcerter les complots intérieurs, en prévenant ainsi les tentatives de prépotence autrichienne. Le ministre d’Autriche à Naples, par une sorte d’habitude, pour maintenir la tutelle impériale, passait son temps à signaler sans cesse des conspirations nouvelles. Ces conspirations n’étaient rien le plus souvent, le marquis Delcarretto en tenait dans ses mains tous les fils, et le roi était singulièrement flatté de montrer tout à la fois que sa police valait celle de l’Autriche, et qu’il pouvait se suffire par lui-même. Ferdinand II partageait les idées du prince de Metternich sur le gouvernement et sur le système politique de l’Italie, comme il le disait ; mais il voulait les pratiquer en souverain indépendant, non comme un satellite de l’empereur. Plus d’une fois M. de Metternich s’inquiéta des façons de ce prince, qui avait toujours l’air de lui échapper en lui restant si fidèle, et qui affectait une certaine hauteur dans son intimité avec la cour de Vienne. Le vieux chancelier, en homme expérimenté et soupçonneux, ne pouvait comprendre qu’un roi italien revendiquât si jalousement son indépendance pour contrarier si peu la pensée et les intérêts de l’Autriche dans la péninsule. Ferdinand, par son premier mariage avec une princesse de Savoie, semblait un moment se rapprocher du Piémont ; mais ces relations étaient sans intimité et sans durée. Le roi de Naples aimait peu Charles-Albert, et il ne voyait pas sans ombrage dans le Piémont un état rival, toujours prêt à s’agrandir dans le nord de l’Italie. Ferdinand II n’était ni Autrichien ni Italien, c’était un roi absolu et tout napolitain. Son ambition était de régner dans un royaume clos et libre de toute influence étrangère. Aux souverains d’Allemagne qui suspectaient ses tendances, il disait : « Je connais mon royaume, je suis le meilleur juge de ce que je dois faire. Quant au péril dont on me menace, je saurai bien m’en défendre moi-même, et j’espère me maintenir sans avoir besoin des étrangers. » Au roi Louis-Philippe, il répondait : « Je serai roi seul et toujours… J’agirai selon mon cœur et selon les intérêts de mon royaume. »

Un jour vint où ce fier sentiment fut mis à une plus rude épreuve, et n’y succomba pas. Le gouvernement de Naples avait signé un contrat qui livrait le monopole du commerce des soufres de la Sicile, et qui lésait, assurait-on, les intérêts des sujets britanniques. L’Angleterre, se servant d’un traité de 1816, réclama, négocia inutilement, adressa des sommations hautaines, et finit par recourir aux démonstrations militaires. Le roi de Naples n’échappa à la crise que par la médiation de la France ; mais il n’avait pas eu l’air de faiblir.