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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/618

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entre la Nouvelle-Orléans et le golfe du Mexique. Il est temps que la métropole du Mississipi ait aussi son canal de Newdiep, comme Amsterdam ; les canaux qui la font communiquer avec le lac Pontchartrain sont étroits, profonds de 2 mètres et demi seulement, et s’arrêtent dans les faubourgs, au lieu d’opérer leur jonction avec le fleuve lui-même. Cependant ils sont d’une haute importance pour le commerce : de quelle utilité ne serait donc pas un grand et vaste canal, creusé de manière à donner accès aux plus forts navires, et leur évitant le passage de la barre et 160 kilomètres de navigation sur le Mississipi !


II

Depuis le sommet du delta jusqu’à l’endroit où le bras principal se jette dans la mer par quatre ou cinq branches épanouies comme celles d’un éventail, les bords du Mississipi perdent leur aspect sauvage, et les champs cultivés font succéder leur panorama à celui des forêts silencieuses. Cependant l’ensemble du paysage conserve toujours un caractère grandiose dans sa monotonie même, car les champs, les habitations, les sucreries se présentent successivement au regard avec une si complète uniformité sur une longueur d’environ 500 kilomètres qu’ils semblent n’être plus qu’un simple décor pour le fleuve, et que celui-ci roule seul dans sa superbe majesté, semblable à une mer en mouvement.

Il suffit d’avoir vu en un point le Bas-Mississipi pour le connaître aussitôt dans toute la longueur de son cours. Le long de chaque rive se développe la levée ou digue en terre, assez mal entretenue, qui doit résister à l’énorme pression de la crue ; derrière la levée court le chemin latéral, tellement inférieur au niveau des inondations qu’on le dirait creusé dans le sol ; puis, encore au-delà, s’élèvent de distance en distance les maisons carrées et à colonnes des planteurs, les sucreries avec leurs grosses cheminées de briques, les cases à nègres semblables à des alvéoles d’insectes travailleurs. Tous ces petits villages, à demi cachés par des groupes de pacaniers et d’azédarachs, dont la base est complètement enfouie sous l’uniforme verdure des champs de canne, se ressemblent tellement que le voyageur emporté par un bateau à vapeur croirait avoir toujours le même paysage sous les yeux ; bien des propriétaires eux-mêmes, revenant d’un voyage, ne savent pas reconnaître leur habitation, tant l’uniformité des rives a rendu leur regard incertain. Tous les champs cultivés forment des carrés longs disposés parallèlement entre eux et perpendiculairement au Mississipi ; rarement ils s’étendent jusqu’à plus d’un kilomètre du bord : au-delà, le terrain est