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qu’appuyait saint Athanase, avait été rejeté par l’un des sectateurs déguises d’Arius, Eusèbe de Nicomédie. Celui-ci ne pouvait donc l’accepter. La rédaction de l’article de foi passa cependant à une très grande majorité. Arius fut condamné par le concile et exilé par l’empereur.

Toujours prêt à appuyer les décisions ecclésiastiques d’une pénalité rigoureuse, Constantin se hâta d’ordonner que les écrits d’Arius seraient livrés aux flammes, et que celui entre les mains duquel on surprendrait un de ces écrits serait puni de mort. Si quelques évêques furent tentés d’applaudir à cette rigueur, ils ne soupçonnaient guère que cette violence en leur faveur ne devait pas empêcher Constantin de prendre plus tard le parti des ariens contre saint Athanase. Les courtisans qui se trouvaient fourvoyés dans l’opposition l’abandonnèrent, deux évêques seulement refusèrent de signer la profession de foi de Nicée, et tout parut terminé. Constantin put s’écrier un peu prématurément : « Toutes les discussions, tous les différends, tous les tumultes, tous les poisons mortels de la discorde, l’éclat de la vérité les a fait disparaître. » Puis, en accablant d’éloges et de respect les membres du concile, il lui échappait, dans la joie du triomphe, de dire qu’il était lui-même un évêque. Cet évêque couronné, mais non baptisé, était un étrange confrère ; pourtant on ne lui contesta pas ce titre, et quelques-uns trouvèrent probablement qu’en l’usurpant il l’honorait. L’empereur invita les pères du concile à un grand repas, dans lequel Eusèbe, son panégyriste, dit qu’il croyait voir une image du règne de Jésus-Christ ; après quoi il les congédia comblés d’honneurs et de présens, non sans leur recommander dans son discours d’adieu de ne pas trop parler.

On devait cependant parler et écrire encore sur ces questions ardues, dont la solution avait été votée presqu’à l’unanimité par le concile de Nicée. Malgré sa toute-puissance, Constantin ne pouvait faire cesser par un acte de sa volonté impériale une discussion qui devait se rouvrir bientôt. Mais ici se place un incident de la vie de Constantin qui n’est pas entièrement étranger à l’histoire des rapports de l’église et de l’empire, car il montre que le souverain, protecteur de l’église chrétienne, n’était pas encore très dominé par l’esprit chrétien : je veux parler du meurtre de son fils Crispus et du meurtre de sa femme Fausta.

Tout ce récit est très pathétique chez M. de Broglie. Les deux crimes de Constantin, c’est ainsi qu’il les appelle, ne sont point palliés, et ne devaient pas l’être. L’auteur a de la peine à s’expliquer la mort de Crispus, ce brillant fils de Constantin, qui avait semblé l’aimer avec tendresse et avec orgueil. Était-ce jalousie de ce fils, excitée par des craintes dont rien ne fait apercevoir le motif ?